ACTION SOCIALE ET MEDICO-SOCIALE : les services MJPM associatifs n’exercent pas une mission de service public

Jan 17, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public

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Par un arrêt du 24 décembre 2021, le Conseil d’Etat a rappelé que les organismes gestionnaires d’établissement et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) de droit privé ont été exclus, par le législateur de 2002, du champ d’exercice des missions de service public.

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1. Les faits

Un particulier insatisfait adresse à une Association tutélaire une demande de communication de diverses pièces décrivant l’organisation et le fonctionnement de ce service mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) :

  • les rapports d’activité des 3 dernières années précisant le nombre de mesures de protection, le nombre d’employés, le nombre moyen de mesures gérées par mandataire et les résultats financiers ;
  • la liste nominative des personnes affectées au service ;
  • la liste nominative des responsables déclarés ou devant l’être ;
  • les statuts et le règlement de l’Association.

L’association refuse de communiquer ces documents.

2. La procédure

Le particulier saisit le Tribunal administratif (TA) d’un recours pour excès de pouvoir (REP) contre la décision de refus. Il soutient que l’Association exerce une mission de service public et qu’à ce titre, elle est tenue de se conformer au régime de communication des documents administratifs prévu par le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Le Tribunal, considérant que l’Association tutélaire n’exerce pas un service public, décline sa compétence et rejette la requête.

Le requérant se pourvoit en cassation, en dé veloutant la même argumentation.

3. La solution

Le Conseil rappelle d’abord qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, est chargée d’une mission de service public la personne privée :

  • assurant une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public ;
  • ou dont il apparaît qu’eu égard :
    • à l’intérêt général de son activité ;
    • aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement ;
    • aux obligations qui lui sont imposées ;
    • aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints ;

l’Administration a entendu lui confier une telle mission.

Puis la Haute juridiction vise l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et de familles (CASF), avant de préciser que “si la protection des majeurs ordonnée par l’autorité judiciaire (…) constitue une mission d’intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires (…) revête le caractère d’une mission de service public“.

Le pourvoi est donc rejeté.

4. L’intérêt de l’arrêt

La lecture de cet arrêt suscite deux observations.

D’une part, rendue dans une espèce analogue à celle qui avait donné lieu à l’édiction du fameux arrêt Aprei du 22 février 2007, cette décision du Conseil d’État confirme l’arrêt ADAPEI de Guyane du 30 décembre 2020 commenté sur ce blog. La seule différence entre la présente décision et l’arrêt Aprei tient au fait que, dans ce dernier, la législation prise pour référence était celle de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociale ; dans le cas présent, c’est bien la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 qui est visée. Mais pour le reste, la motivation de cet arrêt est, mot pour mot, identique à celle de l’arrêt Aprei.

D’autre part, il est intéressant de relever que, pour le Conseil d’État, la participation de l’Association tutélaire au service public de la justice ne suffit pas à caractériser qu’elle exerce une mission de service public. Pourtant, il résulte bien des articles L. 471-1 et suivants du CASF que les MJPM – compte tenu de la nature de leur activité ainsi que des contraintes de formation, d’habilitation et de contrôle qui pensent sur eux – sont bien des auxiliaires de justice. Dès lors, l’arrêt constitue un indice que le droit des institutions sociales et médico-sociales primerait dans certains cas sur le droit commun, selon une indépendance des législations qui renforcerait la valeur du Livre III du CASF au détriment de celle des régimes juridiques extrinsèques à ce code.

CE, 9ème-10 Ch. réunies, 24 décembre 2021, n° 444711

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