ADMINISTRATION : principaux aspects sociaux et médico-sociaux de la réforme de la décentralisation

Fév 22, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public, Droit social, RGPD

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Au JO du 22 février 2022 a été publiée la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

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Cette réforme (dite “loi 3DS”) modifie en profondeur le droit des collectivités territoriales et, en particulier, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) sur les thèmes suivants.

 

1. Une faculté de modulation des compétences

 

Désormais, les compétences exercées par certaines collectivités territoriales pourront différer de la définition légale desdites compétences – sans porter atteinte au principe d’égalité – pour tenir compte des différences objectives de situations, pourvu que la différence de traitement soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit (article L. 1111-3-1). Cela signifie que certains Conseils départementaux (CD) pourraient voir modulées leurs compétences en matière d’aide sociale.

Par ailleurs,, les CD se voient expressément reconnaître une prérogative de police administrative pour l’exercice de leur compétence (article L. 1111-2, alinéa 2).

Enfin, les Communes vont pouvoir transférer aux établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) à fiscalité propre certaines de leurs compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice (article L. 5211-17-2).

 

2. Les évolutions concernant les ARS

 

Les délégations territoriales des agences régionales de santé (DTARS) vont se voir reconnaître, par décret, des missions qui leur seront propres (article L. 1432-1 du Code de la santé publique). Par ailleurs, chaque année, le DTARS devra présenter au Président du CD le bilan des actions conduites par l’ARS dans le département (même article).

Le conseil de surveillance des ARS est rebaptisé “conseil d’administration”.

Peuvent désormais participer aux réunions du conseil d’administration, avec voix consultative, 1 député et 1 sénateur élus dans l’un des départements de la région, désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat. Ils sont désignés en priorité parmi les membres des commissions permanentes chargées des affaires sociales des deux assemblées (article L. 1432-3).

Le préfet de région, qui préside le conseil d’administration, est assisté de 4 vice-présidents dont 3 représentants des collectivités territoriales.

Les attributions du conseil d’administration sont complétées car :

  • il doit désormais motiver l’avis qu’il rend sur le projet régional de santé ;
  • en période d’état d’urgence sanitaire, il doit se réunir au moins une fois par mois pour se tenir informé de l’évolution de la situation et des décisions prises par la direction de l’agence ;
  • il fixe, sur proposition du directeur général de l’ARS, les grandes orientations de la politique menée par l’agence en ce qui concerne la conclusion et l’exécution de conventions avec les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en œuvre du projet régional de santé (PRS) ;
  • il examine chaque année le rapport que doit lui remettre le directeur général sur les conventions ainsi conclues ;
  • il doit procéder régulièrement, en lien avec les DTARS et les élus locaux, à un état des lieux de la désertification médicale dans la région et formuler, le cas échéant, des propositions afin de lutter contre cette situation ;
  • il examine chaque année le rapport sur les actions financées par le budget annexe de l’agence que le directeur général de l’ARS doit désormais lui rendre.

Le PRS doit désormais comprendre des développements sur la prise en compte des contrats locaux de santé (CLS) conclus sur le territoire régional (article L. 1434-1 du CSP). Ces derniers contrats doivent par ailleurs comprendre un volet “santé mentale” conforme au projet territorial de santé mentale ou PTSM (article L. 1434-10).

Les Conseil territoriaux de santé (CTS) doivent désormais garantir, en leur sein, la participation des usagers et notamment celle des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap (article L. 1434-10).

 

4. Une expérimentation de la promotion du droit au recours

 

L’article 133 de la loi prévoit une expérimentation de 3 ans au cours par laquelle les CD ou EPCI volontaires pourront tester un dispositif de lutte contre le non-recours aux droits sociaux et de détection des situations dans lesquelles des personnes sont éligibles à percevoir des prestations et avantages sociaux.

 

5. Le rôle du Président du CD en matière d’habitat inclusif

 

Le Président du CD devient chef de file, en charge de la coordination du développement de l’habitat inclusif (article L. 3211-1 du CGCT).

 

6. La modification de la compétence de financement de la CNSA

 

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) assure désormais le financement des dépenses de fonctionnement des Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées (article L. 14-10-5 du CASF).

Par ailleurs, son périmètre d’intervention est modifié. En effet, précédemment, elle devait financer au profit des personnes âgées non bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) au moins 40 % des actions suivantes :

  • l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ;
  • le développement d’autres actions collectives de prévention ;

Désormais, sont soumises au seuil minimal de 40 % les dépenses relatives :

  • à l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles ;
  • au développement d’autres actions collectives de prévention ;

ce qui conduit à constater que sont concernées, en matière d’accès aux équipements et d’aides techniques, toutes les dépenses y compris celles qui ne concernent pas le soutien à domicile.

 

7. L’organisation de l’habitat inclusif

 

L’article L. 281-1 du CASF est modifié s’agissant de la définition des locaux susceptibles de constituer des lieux d’habitat inclusif.

La définition des logements-foyers change donc. Il s’agit désormais de :

  • logements-foyers “habitat inclusif”, accessibles aux seules personnes en situation de handicap et personnes âgées et n’ayant pas le statut d’un établissement ou service social ou médico-social (ESSMS). Sont écartées les jeunes travailleurs, étudiants, travailleurs migrants et personnes défavorisées ;
  • logements construits ou aménagés spécialement en vue de recevoir des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, dans le cadre de programmes bénéficiant d’une autorisation spécifique délivrée par le préfet. La location de ces logements peut s’accompagner de la mise à disposition non exclusive de locaux collectifs résidentiels situés dans le même immeuble ou groupe d’immeubles, pour la mise en œuvre du projet de vie sociale et partagée (PVSP).

Par ailleurs, les règles relatives à l’admission au bénéfice de l’aide sociale est assoupli s’agissant des bénéficiaires d’un habitat inclusif. En effet, la convention permettant aux Conseils départementaux de s’entendre sur une attribution adaptée par rapport au droit commun (c’est-à-dire abstraction faite du domicile de secours) peut prévoir des dérogations analogues s’agissant de l’attribution de l’aide à la vie partagée (AVP).

Les professionnels appeler à résider dans les logements d’habitat inclusif se voient appliquer le même régime que celui des professionnels exerçant en lieu de vie et d’accueil (LVA) :

  • ils ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires, aux repos et jours fériés prévus par le Code du travail ;
  • leur durée de travail est de 258 jours par an ;
  • les modalités de gestion de leur temps de travail sont identiques.

De plus, par dérogation au droit commun des rapports locatifs, les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) peuvent louer aux organismes agréés pour l’intermédiation locative ou la gestion locative sociale des logements construits ou aménagés spécifiquement à destination des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, sur autorisation du préfet, meublés ou non. Ces acteurs du logement social peuvent à leur tour sous-louer à une ou plusieurs personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap handicap, le cas échéant dans le cadre d’une colocation de droit commun (article L. 442-8-1-2 du CCH).

Enfin, les personnes morales porteuses de projet partagé (“personnes 3P”) conventionnées par les Conseils Départementaux et dont la mission principale est d’assurer le projet de vie sociale et partagée (PVSP) sont de plein droit des entreprises solidaires d’utilité sociale ou ESUS (article L. 3332-17-1, II, 16° du Code du travail).

 

8. L’adaptation du régime des ESSMS-PH

 

L’article 135 de la loi modifie le Livre III du CASF sur plusieurs points en ce qui concerne les ESSMS du champ du handicap actuellement autorisés :

  • suppression de certaines restrictions d’admission liées à des critères populationnels :
    • les restrictions de l’activité de l’ESSMS à la prise en charge d’un handicap sans troubles associés ou en fonction du degré de gravité du handicap pris en charge cesseront de s’appliquer dans 2 ans ;
    • les restrictions relatives à un âge maximal de 16 à 20 ans seront remplacées, dans 2 ans, par une restriction relative à un âge maximal de 20 ans ;
    • ces suppressions, néanmoins, ne feront pas échec à l’application intégrale des dispositions – y compris contraires – des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement ;
  • ajout d’une nouvelle mission : l’article L. 312-1, I du CASF est complété pour prévoir que les ESSMS peuvent assurer, au profit des personnes qu’ils accueillent habituellement, un accompagnement en milieu de vie ordinaire.

 

9. L’ouverture des ESAT sur les logiques de parcours

 

L’article L. 5213-2 du Code du travail, relatif à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et à l’orientation vers un ESSMS concordant, est complété par diverses dispositions :

  • la sortie d’établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) vers le milieu ordinaire s’effectue désormais dans le cadre d’un parcours renforcé en emploi (PRE) dont les modalités seront fixées par décret ;
  • pour les mineurs de 16 à 18 ans, l’attribution de l’attribution de l’allocation adulte handicapé (AAH) ou de la prestation de compensation handicap (PCH), dès lors qu’elle se double d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), vaut de plein droit RQTH.

Par ailleurs, la modification de l’article L. 344-2 du CASF modifie la définition même des ESAT du point de vue du public accueilli. Auparavant, relevaient d’une orientation en ESAT les personnes en situation de handicap dont les capacités de travail ne leur permettaient, momentanément ou durablement, à temps plein ou à temps partiel, ni de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée, ni d’exercer une activité professionnelle indépendante. Désormais, seront orientées en ESAT les personnes disposant d’une capacité de travail réduite – qui sera définie par décret – et ayant besoin d’un accompagnement médical, social et médico-social.

Enfin, les travailleurs handicapés (TH) d’ESAT peuvent désormais travailler, simultanément et à temps partiel, dans :

  • une entreprise ordinaire ;
  • une entreprise adaptée ;
  • dans le cadre d’une activité professionnelle indépendante ;

sans toutefois pouvoir accomplir de travaux rémunérés au-delà de la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet prévue par le Code du travail (sous réserve de l’édiction d’un décret).

 

9. La dispense d’appel à projets pour les résidences-autonomie créées sous CPOM

 

Jusqu’au 31 décembre 2025, sous réserve de la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), les projets de création, de transformation ou d’extension des résidences-autonomie sont dispensés de la procédure d’appel à projets (AAP).

Le Président du CD dispose d’un délai de 4 mois à compter de la date de réception de la demande d’autorisation pour se prononcer. L’absence de réponse à l’issue de ce délai vaut rejet ; le pétitionnaire peut solliciter la communication formelle des motifs ayant abouti à ce rejet.

 

10. La prorogation de l’accès expérimental des personnes en situation de handicap à l’intérim

 

L’expérimentation de l’accès des personnes en situation de handicap au travail intérimaire, prévue par l’article 67 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est prorogé de 2 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2023.

 

11. L’évolution du statut des directeurs de certaines catégories d’EPSMS

 

Au plus tard le 23 février 2023 :

  • les fonctionnaires appartenant à la fonction publique hospitalière (FPH) dirigeant un ESSMS relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou une maison d’enfants à caractère social (MECS) auront dû être placés en position de détachement dans les cadres d’emplois équivalents de la fonction publique territoriale. A défaut de cadre d’emplois équivalent, ils devront avoir été détachés sur un contrat de droit public. Ils conserveront, s’ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable ;
  • les agents contractuels exerçant la même fonction relèveront de plein droit des CD dans les conditions d’emploi qui sont les leurs. Ils conserveront, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat.

Dès à présent, le pouvoir de nomination des directeurs de ces ESSMS est retiré à l’Etat pour être confié au Président du CD.

 

12. Les simplifications administratives

 

En vertu du nouvel article L. 113-12 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), les administrés présentant une demande ou produisant une déclaration à une Administration sont dispensés de lui produire des informations ou des données :

  • que celle-ci détient déjà,
  • ou qu’elle peut obtenir directement auprès d’une autre Administration qui la détient déjà en application d’un texte législatif ou réglementaire.

Les articles L. 114-8 et suivants fixent le régime de ce partage d’informations entre Administrations, en conformité avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

 

13. Les partages de données entre acteurs de l’insertion

 

Le nouvel article L. 263-4-1 du CASF prévoit le principe du partage des données entre acteurs de l’insertion. Sont concernés :

  • les services de l’Etat chargés de l’emploi et de l’égalité professionnelle ;
  • Pôle Emploi ;
  • l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ;
  • les collectivités territoriales ;
  • les EPCI ;
  • les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi ;
  • les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées ;
  • les opérateurs de l’insertion par l’activité économique conventionnés avec l’Etat ;
  • les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes ;
  • les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) ;
  • les Caisses d’allocations familiales (CAF) et Caisses de la mutualité sociale agricole (CMSA) ;
  • tout autre organisme public ou privé, répondant à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et dont l’objet consiste à fournir un service à caractère social, socio-professionnel ou professionnel au titre de l’accompagnement dont bénéficie la personne engagée dans un parcours d’insertion.

Un décret en Conseil d’Etat, pris sur avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), complètera ce texte.

 

14. La cession gracieuse de certains éléments de patrimoine public aux acteurs de l’insertion

 

 L’article L. 3212-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) est complété pour permettre la cession gratuite par l’Etat, les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics, des matériels informatiques inutilisés :

  • aux entreprises d’insertion ;
  • aux entreprises de travail temporaire d’insertion ;
  • aux associations intermédiaires ;
  • aux ateliers et chantiers d’insertion ;
  • aux organismes d’insertion sociale relevant de la prévention spécialisée ;
  • aux services de l’ASE ;
  • aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ;
  • aux régies de quartier ;
  • aux entreprises adaptées (EA) ;
  • aux ESAT et autres catégories d’ESSMS-PH ;
  • aux bailleurs sociaux ;
  • aux Associations et fondations reconnues d’utilité publique (RUP) ayant une utilité sociale au sens de l’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 ;
  • aux organismes accueillant, hébergent ou logeant des personnes en difficulté mais n’étant pas des ESSMS ;
  • aux associations reconnues d’intérêt général dont l’objet statutaire est d’équiper, de former et d’accompagner des personnes en situation de précarité. Dans ce dernier cas, les structures bénéficiaires peuvent à leur tour céder, à un prix solidaire ne pouvant dépasser un seuil défini par décret, les biens ainsi alloués à destination de personnes en situation de précarité ou à des associations œuvrant en faveur de telles personnes.

 

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