ESSMS-PA : un avis et des recommandations de la CNCDH sur la fin de la vie

Mar 7, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public, RGPD

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Au JO du 6 mars 2022 a été publié l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) n° A-2022-2 « Mieux accompagner la fin de la vie à la lumière des enseignements de la crise sanitaire ».

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La CNCDH débute son avis en constatant que la pandémie et les mesures d’exception prises successivement au nom de la crise sanitaire :

  • ont mis en évidence et amplifié des dysfonctionnements déjà présents, et maintes fois dénoncés, dans le système de santé et d’accompagnement social et médico-social ;
  • ont souvent porté de réelles atteintes à la dignité et à l’humanité des personnes : non-respect de personnes mourantes, priorisation de réanimations, isolement, restriction des visites en hôpital ou en établissement, encadrement des enterrements, etc.

Ceci étant posé, elle considère que toutes conséquences utiles doivent être tirées de cette situation et qu’il est impératif de construire une vraie politique de la fin de la vie, respectueuse des personnes, de leurs préférences, faisant sens pour leurs familles, leurs proches et pour les acteurs concernés.

Elle précise l’objet de son avis : il s’agit ici de prêter attention à l’accompagnement de fin de la vie, lequel peut être long et ne se confond pas avec la « fin de vie ».

La Commission détaille son analyse en caractérisant la nécessité de :

1. mieux accompagner la fin de la vie, accepter le vieillissement et la fragilité, développer une culture palliative partagée et ouverte :

1.1. replacer la question de la mort dans le débat public ;

1.2. co-construire une culture du prendre soin et de l’anticipation ;

1.3. réduire les inégalités sociales et territoriales ;

2. élaborer des modalités pratiques des protocoles de fin de la vie à domicile, en établissement et à l’hôpital ;

2.1. prendre en considération le nécessaire colloque singulier patient-médecin ;

2.2. tenir compte des spécificités de chaque situation de fin de la vie.

La CNCDH conclut soin avis en affirmant qu’accompagner une personne à la fin de sa vie, quel que soit son âge, est une démarche collective qu’on ne peut restreindre au seul entourage familial et que le secteur médical ne peut assurer seul. La crise sanitaire a amplifié des dysfonctionnements, déjà identifiés depuis longtemps, dans le système de santé et d’accompagnement social et médico-social. Les équipes ont en particulier été confrontées à des dilemmes éthiques faute d’anticipation suffisante des pouvoirs publics, faute de dotations humaines et matérielles réellement adaptées aux besoins et faute de protocoles de prise en charge centrés sur les droits fondamentaux des personnes.

La CNCDH assortit son avis de 16 recommandations :

  1. replacer la question de la fin de la vie au centre du débat public, en s’assurant d’une plus grande participation des personnes au système de santé, mais aussi aux dispositifs sociaux et médico-sociaux, et de ne pas restreindre celui-ci à quelques thématiques ;
  2. mieux informer les personnes sur leurs droits et sur les dispositifs à leur disposition pour permettre l’émergence d’une culture de l’anticipation et du dialogue en matière de choix de parcours de soin et de fin de la vie ;
  3. mettre en place une politique publique visant à lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur l’âge notamment par une sensibilisation de l’ensemble de la population sur les enjeux du vieillissement en favorisant les échanges intergénérationnels ;introduire le thème du vieillissement et de la fin de la vie dans le programme d’éducation morale et civique (EMC) dès le collège ;
  4. mettre en oeuvre une politique de valorisation des professions sociales et médico-sociales, et plus généralement des métiers du lien et du soutien aux personnes, pour permettre une prise en charge globale, et pas uniquement thérapeutique, de la personne en fin de vie ;
  5. multiplier lieux et moments de rencontres intergénérationnelles dans le secteur médico-social dans un cadre propice à l’innovation en matière d’accompagnement du grand âge ;
  6. reconnaître effectivement et largement les droits et un meilleur accompagnement des aidants en développant notamment les lieux, et les temps, de répit dont l’accessibilité doit être possible pour tous les aidants sans condition d’âge. Une réflexion plus générale doit être envisagée entre les pouvoirs publics et les personnes concernées autour de la création d’un statut spécifique prenant en compte en particulier les besoins en matière de suivi psychologique, social, médical, administratif ;
  7. rétablir la justice entre les citoyens, par une réforme du « capital décès » ayant pour objectif que nul ne meure sans avoir une inhumation ou une crémation digne. Une crise sanitaire, ou tout autre situation particulière, ne saurait justifier l’absence de la famille et des proches dans les derniers instants ;
  8. concernant les professionnels de l’accompagnement, de l’aide et du soin à domicile, en plus d’une revalorisation salariale substantielle, tenant compte du travail de nuit et en week-end, garantir un bon maillage territorial favorisant des échanges en réseau incluant le secteur hospitalier et les secteurs libéraux soignants, sociaux et médico-sociaux ;
  9. mieux prendre en compte la dimension qualitative de la fin de la vie tant dans l’accompagnement que lors de la prise en charge thérapeutique. Ainsi, la multiplication de lieux de vie partagés, médicalisés ou non, sur l’ensemble du territoire, pourrait permettre de lutter contre l’isolement social et le maintien des capacités des personnes le plus longtemps possible ;
  10. dans la perspective d’anticiper le vieillissement de la population, développer les capacités d’accueil des structures existantes, renforcer les moyens financiers et les recrutements dans l’ensemble du secteur médico-social mais aussi développer l’offre de soins et d’hospitalisation à domicile et renforcer les équipes mobiles de soins palliatifs sans prélever sur les ressources hospitalières ;
  11. intégrer en permanence des psychologues dans les services les plus souvent confrontés à des situations de fin de la vie, dans l’optique d’un meilleur accompagnement tant des patients ou de leurs proches que des personnels de santé car une présence humaine, pluridisciplinaire, dans les services est plus efficace que des affiches informant de l’existence d’une cellule d’écoute ;
  12. organiser des états généraux de la fin de la vie rassemblant des représentants des professionnels de santé, du social, du médico-social, du droit, d’usagers, d’aidants, des syndicats, de spécialistes de l’éthique médicale, de psychologues et de chercheurs notamment en anthropologie, en sociologie et en économie, de représentants des religions et de courants philosophiques, chargés de repenser le système actuel afin d’anticiper les enjeux du vieillissement et de permettre à chacun de vivre une fin de la vie apaisée, conforme à ses choix personnels dans le cadre de la loi ;
  13. la crise sanitaire ayant mis en évidence pour tous la réalité de situations de fin de vie brutales, créer un répertoire national regroupant des dispositions anticipées (directives anticipées/mandat de protection future/personne de confiance) établies par les personnes, accessible et consultable en particulier par les médecins afin de proposer une prise en charge respectueuse de leurs choix ;
  14. promouvoir ces dispositions anticipées en garantissant la sécurité des données personnelles, comme leur actualisation, pour en faciliter l’appropriation tant par les citoyens que par les personnels soignants. A cet effet, les mécanismes et conditions d’opposabilité et de réversibilité doivent être clairement précisés, comme les éventuels recours au juge garant du respect des droits et de la liberté individuelle ;
  15. mettre en place un plan de formation continue des personnels soignants, sociaux et médico-sociaux, en matière d’accompagnement à la fin de vie des personnes et d’accompagnement des aidants et des proches ;
  16. assurer une meilleure information selon des formes appropriées, orale ou écrite, en plusieurs langues, en particulier pour des personnes sans domicile, en situation de migration et/ou de grande précarité, sur les dispositifs existants tant en matière de soins, de vaccination que d’accompagnement social et médico-social. Le devoir d’information et d’accompagnement incombe aux autorités publiques. S’il est nécessaire de s’appuyer sur les associations d’aide aux démunis et aux migrants, qui maillent très largement le territoire et qui sont expertes en la matière, ces autorités doivent également, à leur niveau, les soutenir financièrement, administrativement dans l’accès de chacun à ses droits.

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