ESSMS : l’Etat s’efforce d’endiguer la désaffection des professionnels

Jan 13, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public, Droit social

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Le 4 janvier 2022 a été mise en ligne la circulaire interministérielle n° DGCS/SD4B/DGOS/DGEFP/2021/245 du 12 décembre 2021 relative à la mise en place d’une campagne de recrutement d’urgence sur les métiers du soin et de l’accompagnement, dans les secteurs sanitaire, du grand âge et du handicap.

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1. Présentation

La crise actuelle du recrutement est un phénomène hélas bien repéré, à l’égard duquel l’Etat avait déjà adopté un certain nombre de mesures décrites par circulaires :

Ces mesures sont renforcées par la circulaire du 12 décembre 2021 dont le contenu peut être présenté synthétiquement comme suit.

L’objectif est de favoriser le recrutement des professionnels des métiers d’infirmier, aide-soignant, accompagnant éducatif et social (AES), auxiliaire de vie, aide médico-psychologique (AMP), éducateur spécialisé et agent de service hospitalier qualifié (ASHQ).

Pour ce faire, l’État met en place une structure régionale de pilotage comprenant l’agence régionale de santé (ARS), le Conseil régional, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et de la solidarité (DREETS), les opérateurs de compétences (OPCO), Pôle emploi et les missions locales. Ce groupe régional doit déterminer une stratégie qui vise cinq objectifs :

  • déterminer les besoins de la région en terme de recrutement et de places de formation ;
  • motiver des candidats à s’orienter vers les métiers ;
  • partager l’information sur les offres de services « appui au recrutement » des acteurs régionaux ;
  • faire appel aux personnes primo-arrivantes et réfugiées ;
  • réaliser les recrutements.

Courant janvier 2022, l’État doit réunir, au niveau régional, l’ensemble des parties prenantes publiques et privées devant participer à la mise en oeuvre de cette stratégie.

Par ailleurs, Pôle Emploi, entre autres mesures, doit proposer aux candidats, préalablement à l’embauche, une formation courte pour acquérir les bases de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie en raison de leur âge ou de leur handicap, l’objectif étant de disposer rapidement de salariés venant en renfort. L’annexe 2 de la circulaire définit le cahier des charges de cette formation, d’un volume prévu de 7 semaines (345 heures) dont :

  • 3 semaines de formation théorique (thèmes : connaissance de la personne, prévention de la perte d’autonomie, fondements de l’exercice professionnel, communication avec la personne, travail en équipe en institution, hygiène, manutention, entretien du cadre de vie de la personne) ;
  • 4 semaines de stages pratiques.

Une autre formation accélérée de 10 jours (70 heures), ou de 13 jours (91 heures) pour les demandeurs d’emploi, est décrite par l’annexe 3. Elle a pour objet de permettre aux personnes formées d’assurer la suppléance des aides-soignantes dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et les unités de soins de longue durée (USLD).

Ces formations ont vocation à être dispensées par les acteurs habituels de la formation professionnelle initiale et continue (IRTS, IFSI, IFAS, organismes de formation). Le financement sera assuré de la manière suivante :

2. Commentaire

Il faut bien sûr espérer que ce dispositif produisent les effets escomptés à fin de régler à cours terme les difficultés chroniques de recrutement que rencontre les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Il est en effet plus que nécessaire de renforcer les plateaux techniques, même s’il faut souligner qu’ils sont devenus clairsemés du fait de la politique de restrictions budgétaires que l’État impose au secteur depuis des années, dégradant ainsi la qualité des prestations servies aux personnes accueillies ou accompagné mais aussi la qualité de vie au travail (QVT) des professionnels. Cette mobilisation pourrait ressembler à une résolution, dans l’urgence, des injonctions paradoxales avec lesquels de moins en moins de professionnels avaient envie de composer.

Au-delà de l’urgence, il importe d’anticiper ce que pourraient être les conséquences à moyen terme d’un recrutement massif de personnes formées à la hâte :

  • un risque de déqualification des plateaux techniques. Sur ce plan, au-delà de la baisse de compétences liées à la légèreté des formations, les professionnels pourrait redouter que la puissance publique considère ce faible niveau comme suffisant pour assurer les accompagnements. Il faudrait se défier de toute tentation, pour les autorités de tarification, de diminuer la masse salariale ;
  • il est d’ores et déjà prévisible que les personnes recrutées revendiquent, en fonction de la nature réelle des tâches exercées, un classement adéquat dans les conventions collectives du secteur. Cette situation provoquerait alors un retour en arrière, le secteur ayant déjà confronté à l’intégration des « faisant fonction » lors des réformes des professions du travail social. Et dans l’attente d’une régularisation conventionnelle, il ne serait pas surprenant de voir apparaître un risque contentieux significatif devant les juridictions prud’homales.

Enfin, la mise en œuvre de ce dispositif de formation en urgence illustre la capacité de l’État à agir de manière massive lorsque cela correspond à l’une de ses priorités stratégiques. Par contraste, on ne pourra que continuer à regretter l’absence de formation d’autres catégories de professionnels qui sont actuellement en souffrance faute de compétences suffisantes, notamment les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

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