Associations gestionnaires : acheter ou louer les locaux d’un établissement ?

Mar 11, 2014Droit des associations et des ESMS

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Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA :

Associations gestionnaires : acheter ou louer les locaux d’un établissement ?

 

  • Le problème posé

Depuis  une  trentaine  d’années, notre association gère un  institut médico-éducatif  dans  des  locaux appartenant à une société d’économie mixte (SEM). Le coût des travaux pour  les  réhabiliter  est  très important. Les locaux n’étant plus adaptés, nous envisageons de déménager. Nous avons trouvé un terrain pour faire une construction qui serait plus adaptée et permettrait d’accueillir également un Sessad. Dans  le  cadre  de  ce  projet,  nous nous interrogeons sur l’opportunité de  louer  les  locaux,  qui  seraient construits  par  la  SEM,  ou  de  les acheter. Plusieurs administrateurs pensent  qu’acheter  permet  de constituer un patrimoine pour l’association. D’autres considèrent que l’achat est une opération trop risquée. Pouvez-vous nous donner votre avis?

 

  • Les solutions

Le choix entre  l’acquisition et  la  location de  locaux d’un  établissement  social ou médico-social constitue une décision de gestion importante pour l’organisme gestionnaire.  Il n’existe pas de réglementation spécifique aux  instituts médico-éducatifs  (IME) :  les règles sont applicables à l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux.

 

  • Avantages et inconvénients

Dans  le cas de  la  location, en cas de difficultés,  il est souvent plus facile de quitter  les  locaux,  l’engagement n’étant que pour la durée du bail. Mais  l’acquisition d’immeuble permet aux associations gestionnaires de se constituer un patrimoine. Celui-ci peut être donné en garantie au banquier lorsque l’association a besoin de trésorerie.Toutefois, l’opération n’est pas sans risque. Lorsqu’une association devient propriétaire,  il  est  beaucoup  plus  compliqué de se séparer des  locaux.Les engagements financiers sont pris
sur le long terme.Par ailleurs, une acquisition mal gérée peut entraîner des difficultés financières importantes en raison, notamment, de  la différence entre  la durée d’amortissement des biens et la durée de remboursement des emprunts. Enfin, il convient de faire très attention à ne pas vider la trésorerie de l’association, ce qui aboutit à diminuer le fonds de roulement.

 

  • Acquisition directe

Lorsqu’une association acquiert un bien pour un établissement, se pose toujours  la question de savoir si ce bien est affecté sur  le bilan de  l’établissement ou de  la vie associative. L’objectif de  l’association est alors de faire payer par l’établissement un loyer à l’association et de conserver le bien en cas de fermeture de l’établissement. En effet, si  l’acquisition est faite par l’établissement directement,  il doit être inscrit dans  le bilan de  l’établissement. Dans cette hypothèse, les remboursements d’emprunts sont couverts par les dotations aux amortissements et aux frais financiers pris en charge par le budget de l’établissement. L’emprunt étant généralement réalisé pour une période supérieure à un an, il s’agit d’une opération d’investissement soumise aux dispositions de l’article R. 314-20 du code de l’action sociale et des familles. Le gestionnaire doit solliciter l’accord préalable de l’autorité de tarification en déposant un plan pluriannuel d’investissements (PPI). L’administration a alors 60 jours à compter de la réception du PPI pour y répondre. À défaut, elle  est  réputée  avoir  accepté  la demande. Par  la suite,  le budget prévisionnel devra comporter chaque année le planpluriannuel d’investissement actualisé, conformément à un modèle fixé par arrêté ministériel.
Certaines associations gestionnaires souhaitent échapper à ces dispositions en  faisant  acquérir  l’immeuble par   l’association  elle-même et non par l’établissement. Dans ce cas,  l’article R. 314-86 du Code de  l’action  sociale  et  des  familles   prévoit que  l’établissement ne peut faire supporter par les produits de la tarification le versement, à son organisme gestionnaire, d’une rémunération pour occupation des  locaux, à l’exception des paiements compatibles avec le contrat de commodat qui, conformément à  l’article 1875 du Code civil, est un prêt à usage « essentiellement gratuit ». Il ne doit donc pas y avoir un paiement de loyer ou d’indemnité  d’occupation  versée  par l’établissement à l’association. Sauf à disposer de fonds propres très importants, le commodat n’est généralement pas une situation satisfaisante.

 

  • Achat indirect

Une  troisième  solution  est  envisageable. En effet, il peut être préconisé d’acheter  le bien par  l’intermédiaire d’un tiers. Le plus souvent, l’association crée une société civile immobilière (SCI) qui va acquérir le bien pour  le donner ensuite en location à l’établissement. L’établissement versera donc un  loyer à  la SCI. Ce  loyer permettra de rembourser les emprunts contractés pour l’achat de l’immeuble. Un tel montage est autorisé par  l’article R. 314-86 III et IV qui prévoit que les loyers versés à une personne morale dont le contrôle est assuré par la personne morale de droit privé gestionnaire  de  l’établissement,  seule  ou conjointement avec d’autres personnes morales  gestionnaires  d’établissements, ne  sont pris  en  compte que dans la limite de la valeur locative de l’immeuble, évaluée par  le service des domaines. Avant  de  réaliser  ce  montage,  il conviendra de solliciter le service des domaines  afin  qu’il  détermine  la valeur  locative du bien que vous envisagez de construire. Cela vous permettra de connaître  le montant du  loyer qui peut être versé et donc, la solvabilité de l’opération.
La difficulté que nous rencontrons fréquemment dans ce  type de schéma vient de la tendance des services des domaines à retenir une valeur de  loyer trop faible, qui est bien souvent insuffisante pour couvrir  le montant du remboursement des emprunts sur une
durée raisonnable. Cela impose donc de recourir à des durées d’emprunts particulièrement  longues,  obérant durablement  la capacité d’investissement de l’établissement. Par ailleurs, en plus du  loyer, seules les charges relevant habituellement du locataire peuvent être prises en charge (sauf dans  le  cas d’un bail  emphytéotique, c’est-à-dire de très  longue durée). Les charges relevant du propriétaire ne peuvent être  intégrées, notamment ce qui concerne  les grosses réparations.
Enfin, chaque année, avec  la transmission du compte administratif,  l’établissement doit  joindre  les statuts de  la personne morale propriétaire,  la composition de son conseil d’administration, ainsi que les copies du bilan, du compte de résultat et des annexes.

 

  • Location

À défaut d’acquérir,  l’association peut toujours  louer  le  bien.  La  location présente deux principaux avantages. Tout d’abord, ce n’est pas le gestionnaire qui supporte  le risque de  l’investissement et de  la  construction. De même, le propriétaire a la charge de la trésorerie. En contrepartie, l’association ne capitalise pas sur  l’investissement et donc,ne peut à terme se constituer un patrimoine par ce biais. Du point de vue de la réglementation du  Code  de  l’action  sociale  et  des familles, il n’existe pas de contraintes particulières, sauf dans  les hypothèses d’une acquisition indirecte. Dans votre cas, il convient de prendre garde à ce que  le montant du  loyer des nouveaux bâtiments ne soit pas trop important et déséquilibre  le budget de l’IME ainsi que, le cas échéant, du Sessad. L’autorité de tarification pourrait alors refuser cette dépense.
Enfin, si le promoteur est une société d’économie mixte, il est parfois possible d’insérer une option d’achat à une valeur dégressive en  fonction de  la durée de la location. Dans cette hypothèse, vous bénéficiez des avantages à la fois de la location et de l’achat.
Parfois une association est propriétaire d’un terrain sans pour autant disposer de  la capacité d’investissement pour construire  l’établissement. Elle peut  le donner en  location, dans  le cadre d’un bail à construction ou d’un bail emphytéotique, à un promoteur. Celui-ci va réaliser  la  construction.  Le  même constructeur, à son tour,  loue  l’immeuble  au  gestionnaire  par  un  bail  de longue durée. Ce second bail permet au  constructeur  de  financer  la construction. À  la fin de  l’opération, l’association devient automatiquement propriétaire de  l’immeuble construit sur son terrain.

 

  • Attention

Si vous faites le choix de construire, vous devrez organiser une mise en concurrence de l’architecte et des entreprises qui vont intervenir pour la réalisation des travaux. Vous devrez, en application de l’article R. 314-58, conserver les pièces permettant de connaître les conditions dans lesquelles ont été choisis les prestataires et fournisseurs. Cette règle s’applique non seulement aux investissements  immobiliers mais  également pour  les  engagements financiers importants. En cas de contrôle, votre autorité de tarification pourra demander à avoir accès à ces documents.

 

Pierre NAITALI

Avocat au barreau d’Angers

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