Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA :
Associations gestionnaires : acheter ou louer les locaux d’un établissement ?
- Le problème posé
Depuis une trentaine d’années, notre association gère un institut médico-éducatif dans des locaux appartenant à une société d’économie mixte (SEM). Le coût des travaux pour les réhabiliter est très important. Les locaux n’étant plus adaptés, nous envisageons de déménager. Nous avons trouvé un terrain pour faire une construction qui serait plus adaptée et permettrait d’accueillir également un Sessad. Dans le cadre de ce projet, nous nous interrogeons sur l’opportunité de louer les locaux, qui seraient construits par la SEM, ou de les acheter. Plusieurs administrateurs pensent qu’acheter permet de constituer un patrimoine pour l’association. D’autres considèrent que l’achat est une opération trop risquée. Pouvez-vous nous donner votre avis?
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Les solutions
Le choix entre l’acquisition et la location de locaux d’un établissement social ou médico-social constitue une décision de gestion importante pour l’organisme gestionnaire. Il n’existe pas de réglementation spécifique aux instituts médico-éducatifs (IME) : les règles sont applicables à l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux.
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Avantages et inconvénients
Dans le cas de la location, en cas de difficultés, il est souvent plus facile de quitter les locaux, l’engagement n’étant que pour la durée du bail. Mais l’acquisition d’immeuble permet aux associations gestionnaires de se constituer un patrimoine. Celui-ci peut être donné en garantie au banquier lorsque l’association a besoin de trésorerie.Toutefois, l’opération n’est pas sans risque. Lorsqu’une association devient propriétaire, il est beaucoup plus compliqué de se séparer des locaux.Les engagements financiers sont pris
sur le long terme.Par ailleurs, une acquisition mal gérée peut entraîner des difficultés financières importantes en raison, notamment, de la différence entre la durée d’amortissement des biens et la durée de remboursement des emprunts. Enfin, il convient de faire très attention à ne pas vider la trésorerie de l’association, ce qui aboutit à diminuer le fonds de roulement.
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Acquisition directe
Lorsqu’une association acquiert un bien pour un établissement, se pose toujours la question de savoir si ce bien est affecté sur le bilan de l’établissement ou de la vie associative. L’objectif de l’association est alors de faire payer par l’établissement un loyer à l’association et de conserver le bien en cas de fermeture de l’établissement. En effet, si l’acquisition est faite par l’établissement directement, il doit être inscrit dans le bilan de l’établissement. Dans cette hypothèse, les remboursements d’emprunts sont couverts par les dotations aux amortissements et aux frais financiers pris en charge par le budget de l’établissement. L’emprunt étant généralement réalisé pour une période supérieure à un an, il s’agit d’une opération d’investissement soumise aux dispositions de l’article R. 314-20 du code de l’action sociale et des familles. Le gestionnaire doit solliciter l’accord préalable de l’autorité de tarification en déposant un plan pluriannuel d’investissements (PPI). L’administration a alors 60 jours à compter de la réception du PPI pour y répondre. À défaut, elle est réputée avoir accepté la demande. Par la suite, le budget prévisionnel devra comporter chaque année le planpluriannuel d’investissement actualisé, conformément à un modèle fixé par arrêté ministériel.
Certaines associations gestionnaires souhaitent échapper à ces dispositions en faisant acquérir l’immeuble par l’association elle-même et non par l’établissement. Dans ce cas, l’article R. 314-86 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que l’établissement ne peut faire supporter par les produits de la tarification le versement, à son organisme gestionnaire, d’une rémunération pour occupation des locaux, à l’exception des paiements compatibles avec le contrat de commodat qui, conformément à l’article 1875 du Code civil, est un prêt à usage « essentiellement gratuit ». Il ne doit donc pas y avoir un paiement de loyer ou d’indemnité d’occupation versée par l’établissement à l’association. Sauf à disposer de fonds propres très importants, le commodat n’est généralement pas une situation satisfaisante.
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Achat indirect
Une troisième solution est envisageable. En effet, il peut être préconisé d’acheter le bien par l’intermédiaire d’un tiers. Le plus souvent, l’association crée une société civile immobilière (SCI) qui va acquérir le bien pour le donner ensuite en location à l’établissement. L’établissement versera donc un loyer à la SCI. Ce loyer permettra de rembourser les emprunts contractés pour l’achat de l’immeuble. Un tel montage est autorisé par l’article R. 314-86 III et IV qui prévoit que les loyers versés à une personne morale dont le contrôle est assuré par la personne morale de droit privé gestionnaire de l’établissement, seule ou conjointement avec d’autres personnes morales gestionnaires d’établissements, ne sont pris en compte que dans la limite de la valeur locative de l’immeuble, évaluée par le service des domaines. Avant de réaliser ce montage, il conviendra de solliciter le service des domaines afin qu’il détermine la valeur locative du bien que vous envisagez de construire. Cela vous permettra de connaître le montant du loyer qui peut être versé et donc, la solvabilité de l’opération.
La difficulté que nous rencontrons fréquemment dans ce type de schéma vient de la tendance des services des domaines à retenir une valeur de loyer trop faible, qui est bien souvent insuffisante pour couvrir le montant du remboursement des emprunts sur une
durée raisonnable. Cela impose donc de recourir à des durées d’emprunts particulièrement longues, obérant durablement la capacité d’investissement de l’établissement. Par ailleurs, en plus du loyer, seules les charges relevant habituellement du locataire peuvent être prises en charge (sauf dans le cas d’un bail emphytéotique, c’est-à-dire de très longue durée). Les charges relevant du propriétaire ne peuvent être intégrées, notamment ce qui concerne les grosses réparations.
Enfin, chaque année, avec la transmission du compte administratif, l’établissement doit joindre les statuts de la personne morale propriétaire, la composition de son conseil d’administration, ainsi que les copies du bilan, du compte de résultat et des annexes.
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Location
À défaut d’acquérir, l’association peut toujours louer le bien. La location présente deux principaux avantages. Tout d’abord, ce n’est pas le gestionnaire qui supporte le risque de l’investissement et de la construction. De même, le propriétaire a la charge de la trésorerie. En contrepartie, l’association ne capitalise pas sur l’investissement et donc,ne peut à terme se constituer un patrimoine par ce biais. Du point de vue de la réglementation du Code de l’action sociale et des familles, il n’existe pas de contraintes particulières, sauf dans les hypothèses d’une acquisition indirecte. Dans votre cas, il convient de prendre garde à ce que le montant du loyer des nouveaux bâtiments ne soit pas trop important et déséquilibre le budget de l’IME ainsi que, le cas échéant, du Sessad. L’autorité de tarification pourrait alors refuser cette dépense.
Enfin, si le promoteur est une société d’économie mixte, il est parfois possible d’insérer une option d’achat à une valeur dégressive en fonction de la durée de la location. Dans cette hypothèse, vous bénéficiez des avantages à la fois de la location et de l’achat.
Parfois une association est propriétaire d’un terrain sans pour autant disposer de la capacité d’investissement pour construire l’établissement. Elle peut le donner en location, dans le cadre d’un bail à construction ou d’un bail emphytéotique, à un promoteur. Celui-ci va réaliser la construction. Le même constructeur, à son tour, loue l’immeuble au gestionnaire par un bail de longue durée. Ce second bail permet au constructeur de financer la construction. À la fin de l’opération, l’association devient automatiquement propriétaire de l’immeuble construit sur son terrain.
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Attention
Si vous faites le choix de construire, vous devrez organiser une mise en concurrence de l’architecte et des entreprises qui vont intervenir pour la réalisation des travaux. Vous devrez, en application de l’article R. 314-58, conserver les pièces permettant de connaître les conditions dans lesquelles ont été choisis les prestataires et fournisseurs. Cette règle s’applique non seulement aux investissements immobiliers mais également pour les engagements financiers importants. En cas de contrôle, votre autorité de tarification pourra demander à avoir accès à ces documents.
Pierre NAITALI
Avocat au barreau d’Angers