SOCIAL : renforcement de la protection des victimes de violences intrafamiliales

Août 17, 2020Droit des associations et des ESMS

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Au JO du 31 juillet 2020 a été publiée la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. En dépit de son titre, le texte a un un champ d’application plus large que celui de la protection du conjoint victime puisqu’il garantit également celle des enfants et traite, plus généralement, des violences intrafamiliales.

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La loi introduit un arsenal de dispositions civiles et pénales visant à réprimer les actes de violence conjugale ou intrafamiliale. Ces nouvelles normes s’accompagnent d’une amélioration de l’accès à l’aide juridictionnelle ainsi que d’une adaptation du droit des étrangers pour préserver la situation des familles qui ont éclaté à la suite de violences intrafamiliales.

  1. Les dispositions civiles

1.1. Jouissance du domicile conjugal ou commun

L’article 515-11 du Code civil est modifié pour attribuer la jouissance du logement conjugal, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences et ce, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Cette protection est également conférée, dans les même termes, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) et au concubin.

Par ailleurs, le nouvel article 15, I, 3° bis de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 réduit à un mois la durée du préavis donné au propriétaire par le locataire bénéficiaire d’une ordonnance de protection ou dont le conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin fait l’objet de poursuites, d’une procédure alternative aux poursuites ou d’une condamnation, même non définitive, en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui

1.2. Ordonnance de protection

Le juge aux affaires familiales (JAF) peut désormais, en application de la nouvelle rédaction de l’article 515-11-1, I du Code civil, prononcer à l’encontre de l’agresseur une interdiction de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance qu’il fixe. Toute violation de cette mesure portée à sa connaissance est signalée au procureur de la République.

De plus, il doit systématiquement signaler au ministère public les violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, au visa de la nouvelle rédaction du dernier alinéa du même article.

1.4. Retrait de l’autorité parentale en cas de violence sur l’autre parent

L’article 378 du Code civil est complété pour permettre le retrait de l’autorité parentale à l’auteur, du coauteur ou du complice d’un crime mais aussi d’un délit sur la personne de l’autre parent ; le texte ne visait précédemment que le seul cas du crime.

1.5. Exclusion de la médiation familiale

Au vu de la nouvelle rédaction des articles 255 et 373-2-10 du Code civil, sont désormais exclusives de la possibilité de recourir à la médiation familiale les situations :

  • de violence sur l’autre époux ou sur l’enfant ;
  • d’emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint.

1.6. Indignité de l’agresseur

L’article 207 du Code civil dispose désormais que l’auteur de violences sur ses ascendants, descendants, frères ou sœurs perd son droit à aliments, sauf décision contraire du juge.

De plus, il résulte désormais de l’article 727 du même code que peut être déclaré indigne de succéder l’héritier auteur ou complice d’un crime ou d’un délit de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de viol ou d’agression sexuelle envers le défunt.

2. Les dispositions pénales

Nombreuses sont les nouvelles incriminations et aggravations introduites par la loi nouvelle.

2.1. Renforcement de la pénalisation du harcèlement moral

L’article 222-33-2-1 du Code pénal introduit l’aggravation à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.

2.2. Pénalisation du vol d’un moyen de communication

L’article 311-12 du Code pénal est complété pour exclure de l’impunité familiale le fait de voler un moyen de télécommunication au préjudice d’un ascendant, descendant ou du conjoint sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément.

2.3. Restriction du délit de violation du secret professionnel

L’article 226-14 du Code pénal est modifié pour préserver de l’incrimination de violation du secret professionnel tout médecin ou autre professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées par le conjoint, partenaire d’un PACS ou concubin, lorsqu’il estime en conscience que :

  • ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat ;
  • et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences.

Ce médecin ou professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au Parquet.

2.4. Renforcement des peines alternatives et complémentaires

Le nouveau dernier alinéa de l’article 131-6 du Code pénal prévoit que si une peine de prison est encourue, alors peuvent être infligées à la place de ou en même temps une ou plusieurs des peines suivantes :

  • l’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
  • la confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
  • la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
  • l’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par juge et dans lesquels l’infraction a été commise ;
  • l’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par le juge, notamment les auteurs ou complices de l’infraction ;
  • l’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d’entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par le juge, notamment la victime de l’infraction.

La rédaction de l’article 131-9 du même code est modifiée en conséquence, afin que ces peines puissent être prononcées en sus d’une condamnation à l’emprisonnement.

2.5. Pénalisation de la géolocalisation occulte

La nouvelle rédaction de l’article 226-1 du Code pénal fait entrer dans le champ d’application du délit d’atteinte à la vie privée le fait de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci. La commission de ce délit par le conjoint, partenaire d’un PACS ou concubin est une circonstance aggravante (deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende).

2.6. Circonstances aggravantes

La qualité de conjoint, partenaire d’un PACS ou de concubin devient une circonstance aggravante de deux délits :

  • usurpation d’identité ou usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant d’identifier une personne en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui : deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (article 226-4-1 du Code pénal) ;
  • appels téléphoniques ou textos malveillants réitérés ou encore agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 222-16 du Code pénal).

2.7. Alourdissement de la pénalisation de la pédopornographie

L’article 227-23 du Code pénal alourdit la sanction du délit de consultation en ligne d’images pornographiques représentant un mineur : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende sont encourus.

2.8. Pénalisation de certains contenus accessibles aux mineurs par Internet

Le nouvel article 227-24, alinéa 3 du Code pénal incrimine le fait de fabriquer, transporter, diffuser ou vendre certains contenus d’Internet interdits aux mineurs même si ces derniers déclarent sur le site concerné qu’ils ont plus de dix-huit ans. Sont concernés les messages :

  • à caractère violent,
  • incitant au terrorisme,
  • pornographiques,
  • de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine,
  • incitant des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger.

Les peines encourues sont de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

L’article 23 de la loi ajoute un dispositif permettant au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de saisir en procédure accélérée le Tribunal judiciaire afin de faire fermer les sites incriminés et d’ordonner leur déréférencement par les moteurs de recherche.

3. La procédure pénale

3.1. Contrôle judiciaire

En vertu de l’article 138 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention (JLD) peuvent désormais suspendre le droit de visite et d’hébergement de l’agresseur présumé lorsqu’il est mis en examen, si ce dernier n’a pas respecté l’interdiction de :

  • contacter certaines personnes nommément désignées ;
  • paraître au domicile conjugal ou commun ;

ou l’obligation de se soumettre à une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

3.2. Exclusion de la médiation pénale

En vertu de la nouvelle rédaction de l’article 41-1, 5° du Code de procédure pénale, sont exclues de la médication pénale les violences commises par le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS, y compris lorsque les protagonistes ne cohabitent pas.

3.3. Information de la victime par la police judiciaire

L’article 10-2 du Code de procédure pénale est complété par un 10° en vertu duquel l’officier ou agent de police judiciaire doit désormais informer la victime de violences, pour lesquelles un examen médical a été requis, de son droit de se voir remettre le certificat médical correspondant.

Par ailleurs, le nouvel article 10-5-1 du même code dispose – et cela vaut globalement pour toutes les victimes de violences – que lorsqu’un examen médical d’une victime de violences a été requis , le certificat d’examen médical correspondant doit être remis à la victime, selon des modalités précisées par voie réglementaire.

3.4. Renforcement du pouvoir de saisie en enquête de flagrance

La nouvelle rédaction de l’article 56 du Code de procédure pénale permet à l’officier de police judiciaire (OPJ) agissant en enquête de flagrance sur une suspicion d’infraction de violences de saisir, d’office ou sur instructions du procureur de la République, les armes qui sont détenues par la personne suspectée ou dont celle-ci a la libre disposition, quel que soit le lieu où se trouvent ces armes. Cette nouvelle disposition ne s’applique pas seulement aux violences conjugales ou intrafamiliales mais concerne toutes les infractions de violences.

3.5. Inscription au fichier des personnes recherchées

l’article 230-19 du Code de procédure pénale permet à nouveau d’inscrire au fichier des personnes recherchées celles qui ont violé une obligation de paraître ou de contact ordonnées à titre de peine alternative ou complémentaire au sens de l’article 131-6 du Code pénal.

3.6. Inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes

La nouvelle rédaction de l’article 706-53-2 du Code de procédure pénale permet au juge d’instruction d’ordonner l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes tout auteur présumé mis en examen avec placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

4. L’amélioration de l’accès à l’aide juridictionnelle

L’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est complété pour instituer l’aide juridictionnelle de plein droit, à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence dont la liste sera fixée par voie règlementaire. Dans ce cas de figure, l’aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d’aide juridictionnelle établit l’insuffisance des ressources.

5. Adaptation du droit des étrangers

Les articles L. 313-25, L. 313-26 et L. 314-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) garantissent aux membres de la famille étrangère le maintien des cartes de séjour pluriannuelles des personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides, ainsi que de la carte de résident lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales.

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