Dans un avis du 10 octobre 2020 mis en ligne en novembre selon Hospimédia, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) se dit défavorable à la pratique périodique et systématique des tests de dépistage du SARS-CoV-2 sur les résidents et professionnels des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et, plus généralement, des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Mais cet avis repose sur des données non fiables ; de plus, il est anachronique au regard du contexte dans lequel ces données ont été produites.
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Après avoir procédé à un rappel intéressant des caractéristiques des diverses modalités de test de dépistage, des avis des autorités sanitaires françaises et étrangères et après une revue de littérature, le HSCP fait savoir que le dépistage régulier par prélèvement naso-pharyngé des professionnels et personnes accueillies dans les ESSMS ne lui paraît pas pertinent : il considère que ce dépistage est peu réalisable du fait de la logistique nécessaire, du caractère invasif du prélèvement naso-pharyngé et de l’aléa de son niveau d’acceptabilité.
S’agissant du dépistage régulier par prélèvement salivaire, certainement plus acceptable et facile de réalisation, le HCSP indique qu’il ne rentre pas dans les indications de la Haute autorité de santé (HAS) chez les personnes asymptomatiques : le message DGS-urgent du 20 août 2020 « Recommandation d’un test RT-PCR SARS-CoV-2 chez les professionnels de santé » ne recommande un dépistage du SARS-CoV-2 par RT-PCR que dans des situations particulières.
Pour le HCSP, seules les situations de transmission intra-établissement documentées justifient la réalisation de tests de dépistage des usagers et professionnels. Il considère que la politique de dépistage universel en EHPAD par prélèvement naso-pharyngé n’est pas efficace par rapport à une politique de dépistage ciblé autour d’un cas. Pour ce faire, il fait référence à une publication isolée concernant 50 EHPAD en Vendée, mise en ligne sous forme de lettre à l’éditeur du Journal of Infection le 5 août 2020, lettre qui tout au plus ne vaut que pre-print.
Dans sa conclusion, cette lettre indique :
“Asymptomatic NH residents and professionals might contribute to SARS-CoV-2 transmission. In a post-lockdown context with an estimated mean daily incidence rate of 0.59 COVID-19 cases per 100.000 population, the universal screening in NH free of known positive case seems inefficient. In such context, supplies should be saved, and adverse effects (pain, complication of nasopharyngeal sampling, logistics, and costs) can be avoided. However, once a facility has confirmed a COVID-19 case, extensive testing should be performed for all professionals and residents, and all residents should be cared for using personal protective equipment”
(traduction : “Il se pourrait que la présence de cas asymptomatiques chez les résidents et les professionnels de maisons de retraite contribue à la transmission du CoViD-19. Dans un contexte de post-confinement, avec un taux d’incidence quotidien estimé à 0,59 pour 100 000, la pratique du dépistage systématique dans les maisons de retraite dépourvues de cas connu semble inefficace. Dans un tel contexte, les fournitures devraient être économisées et les effets secondaires (douleur, complications consécutives à la réalisation d’un prélèvement naso-pharyngé, complexité logistique et coûts) peuvent être évités. Pour autant, dans le cas où un établissement a identifié un cas de CoViD-19, un dépistage exhaustif devrait être réalisé de tous les professionnels et résidents et ces derniers devraient se protéger en portant des équipements de protection individuelle.”)
Il ressort des termes mêmes de ce texte que les recommandations du HCSP citées ici sont anachroniques et ne peuvent donc être suivies aujourd’hui :
- le contexte actuel est celui d’un confinement et non d’un post-confinement. Il faut d’ailleurs rappeler que le confinement actuel est entré en vigueur le 30 octobre 2020, ce qui rend suspecte la publication de la recommandation en novembre 2020 selon Hospimédia ;
- le taux d’incidence en semaine 46 est de 248/100 000 selon le dernier bulletin de Santé Publique France ; il est donc près de 5 fois plus important que celui cité dans le pre-print.
Mais le HCSP ne doit pas pour autant être accablé : il reconnaît lui-même que ses “recommandations, élaborées sur la base des connaissances disponibles à la date de publication de (son) avis, peuvent évoluer en fonction de l’actualisation des connaissances et des données épidémiologiques”.
Compte tenu de l’étendue de la responsabilité des ESSMS à l’égard des usagers et du personnel en matière de santé et de sécurité, il importe donc de :
- ne tenir aucun compte de cette recommandation anachronique du HCSP du 10 octobre 2020 ;
- recourir à tous les moyens disponibles qui permettront de préserver la santé de tous, y compris le cas échéant en pratiquant des dépistages systématiques et itératifs.