PJJ : le mineur doit être informé de son droit de se taire lors des recueils de renseignements socio-éducatifs

Avr 16, 2021Droit des associations et des ESMS

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Par une décision du 9 avril 2021 publiée au JO du 10 avril 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel le premier alinéa de l’article 12 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relatif au recueil de renseignements socio-éducatifs par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). En effet, ce texte ne prévoit pas que le mineur doit être informé de sa faculté d’être assisté de son avocat et de garder le silence.

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1. Les faits

Un mineur conteste, devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation, l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction d’une Cour d’appel qui, dans l’information suivie contre lui du chef de vol aggravé, a rejeté sa demande d’annulation de pièces de la procédure. Parmi ces pièces figurent des rapports de recueils d’informations socio-éducatives rédigés par le service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

A cette occasion, le mineur soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945. Ce texte dispose :

« Le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent établit, à la demande du procureur de la République, du juge des enfants ou de la juridiction d’instruction, un rapport écrit contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative.
« Lorsqu’il est fait application de l’article 5, ce service est obligatoirement consulté avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire du mineur ou de prolongation de la détention provisoire.
« Ce service doit également être consulté avant toute décision du juge des enfants au titre de l’article 8-1 ou du tribunal pour enfants au titre de l’article 8-3 et toute réquisition ou proposition du procureur de la République au titre des articles 7-2, 8-2 et 14-2 ainsi qu’avant toute décision du juge d’instruction, du juge des libertés et de la détention ou du juge des enfants et toute réquisition du procureur de la République au titre de l’article 142-5 du Code de procédure pénale.
« Le rapport prévu au premier alinéa est joint à la procédure ».

Le requérant soutient que ces dispositions méconnaissent :

  • le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) en matière de justice des mineurs ;
  • les droits de la défense ;

car elles ne prévoient pas qu’un mineur soit informé de son droit :

  • à l’assistance d’un avocat ;
  • de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la PJJ dans le cadre d’un recueil de renseignements socio-éducatifs.

Selon lui, la notification de ces droits doit s’imposer car le mineur peut être entendu sur les faits qui lui sont reprochés, ses déclarations pouvant être consignées dans le rapport établi par la PJJ et être prises en compte par le juge des enfants (JE) pour statuer sur sa culpabilité.

2. La procédure

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 13 février 2021, constate que les conditions de saisine du juge constitutionnel sont remplies au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel car la question posée :

  • est applicable à la procédure en cours ;
  • n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
  • présente un caractère sérieux car il importe de déterminer si la possibilité de demander, dans le cadre d’un recueil de renseignement socio-éducatif, à un mineur mis en cause dans une procédure pénale, s’il a commis une infraction, sans qu’il soit assisté d’un avocat ou de ses représentants légaux, est justifiée par la mise en place de mesures éducatives nécessaires à son relèvement éducatif et moral ou porte une atteinte excessive aux droits de la défense.

Elle accueille la demande donc et renvoie au Conseil constitutionnel la question suivante :

« Les dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 sont-elles contraires au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs et au principe des droits de la défense, en ce qu’elles ne prévoient pas que le mineur, objet d’une information judiciaire et entendu sur les faits par le service de la protection judiciaire de la jeunesse, soit préalablement informé de ces faits ainsi que de ses droits de garder le silence et d’être assisté d’un avocat, ni qu’il bénéficie de l’assistance effective de son avocat ? »

3. La solution

Le Conseil constitutionnel prend d’abord en considération l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen(DDHC) de 1789 :

« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

En effet, découle de ce texte le principe selon lequel le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser. C’est là le fondement juridique du droit de se taire.

Prenant ce principe pour référence, le juge constitutionnel examine ensuite le contenu du texte contesté. Ce dernier prévoit que le service de la PJJ établit à la demande :

  • soit du procureur de la République,
  • soit du JE,
  • soit de la juridiction d’instruction,

un rapport contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative. Cette consultation de la PJJ intervient notamment :

  • avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire du mineur ;
  • avant toute décision du JE ou du Tribunal pour enfants dans certains cas où ils sont saisis aux fins de jugement.

Dans ces cas de figure, l’agent de la PJJ qui rédige le rapport a la faculté d’interroger le mineur sur les faits qui lui sont reprochés.

C’est ainsi que l’intéressé peut être amené à reconnaître sa culpabilité dans le cadre du recueil de renseignements socio-éducatifs.

Puisque la rapport a pour finalité principale d’éclairer le magistrat ou la juridiction compétents sur l’opportunité d’une réponse éducative, les déclarations du mineur recueillies sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement lorsqu’elles sont consignées dans le rapport joint à la procédure.

C’est pourquoi le mineur entendu par la PJJ doit être informé par elle de son droit de se taire.

Et puisque le texte contesté ne prévoit pas ce droit, il est inconstitutionnel.

Enfin, le Conseil constitutionnel détermine les conséquences pratiques de sa décision :

  • l’abrogation de l’article inconstitutionnel interviendra le 30 septembre 2021 ;
  • les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions ainsi que le PFRLR en matière de justice des mineurs commandent que les mesures prises avant le 9 avril 2021 – date de publication de la décision – ne puissent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
  • dès à présent et jusqu’au 30 septembre 2021, la PJJ devra veiller à informer les mineurs entendus pour des recueils de renseignements socio-éducatifs de leur droit de se taire.

4. L’intérêt de la décision

Cette décision présente bien évidemment un grand intérêt pratique pour les travailleurs sociaux de la PJJ qui réalisent les entretiens avec les mineurs en vue de la rédaction de recueils de renseignements socio-éducatifs. En effet, la régularité de toute décision de justice prise en considération de leur rapport dépendra du fait qu’ils auront respecté leur obligation d’informer le mineur du droit qu’il a de se taire.

Toute faiblesse sur ce plan sera susceptible d’être exploitée par l’avocat du mineur, aussi bien devant les juridictions d’instruction que devant celles de jugement.

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