HANDICAP : la DGCS s’empare du thème de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap

Sep 6, 2021Droit des associations et des ESMS

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Le 31 août 2021 a été mise en ligne la circulaire n° DGCS/SD3B/2021/147 du 5 juillet 2021 relative au respect de l’intimité, des droits sexuels et reproductifs des personnes accompagnées dans les établissements et services médico sociaux relevant du champ du handicap et de la lutte contre les violences.

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1. Présentation

 

La circulaire rappelle d’abord que le principe d’accessibilité universelle induit le droit, pour les personnes en situation de handicap, d’avoir une vie affective, relationnelle, intime, amoureuse et sexuelle au même titre que l’ensemble des autres citoyens ; cette dimension importante de la vie personnel constitue un déterminant de santé qu’il ne faut pas négliger. Par ailleurs, elle reconnaît la nécessité de mettre en oeuvre une éducation à la sexualité selon une approche positive, éducation qui doit notamment sensibiliser les personnes en situation de handicap aux violences sexuelles dont elles peuvent faire l’objet.

En annexe figure un long texte de référence destiné aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Il comprend :

  • le rappel des obligations juridiques en matière de respect du droit à l’intimité de la vie privée et, en particulier, de respect de la vie affective, relationnelles, intime et sexuel des personnes accueillies ou accompagnées ;
  • l’identification des principales mesures à prendre pour protéger et promouvoir leur santé sexuelle :
    • suivi gynécologique et urologique,
    • choix de la contraception,
    • habiletés sociales,
    • prévention,
    • groupe de parole,
    • consentement,
    • interruptions de grossesse,
    • choix et consentement à des stérilisations à visée contraceptive,
    • accompagnement à la parentalité.

Au plan pratique, il s’agit pour les ESSMS de :

  • réaliser un effort particulier sur la formation des professionnels ;
  • désigner un référent “effectivité des droits des personnes” spécialement formé ;
  • développer le travail en réseau avec les partenaires concernés par la thématique de la vie affective et sexuelle ;
  • informer les personnes accueillies ou accompagnées sur leurs droits ;
  • créer des groupes de parole des personnes accueillies ou accompagnées ;
  • adapter les locaux pour permettre l’exercice effectif du droit à la vie affective et sexuelle ;
  • renforcer la vigilance devant être exercée au moment du recrutement des professionnels, pour exclure les auteurs d’infractions sexuelles ;
  • concevoir et mettre en oeuvre une procédure de protection des usagers victimes de violences ;
  • prévoir les mesures à prendre à l’égard de l’auteur des violences, quel que soit son statut (professionnel, autre usager, personne de l’entourage) ;
  • créer, diffuser et actualiser – avec l’implication du conseil de la vie sociale (CVS) – des documents de travail (procédures, modes opératoire) et supports de communication interne ;
  • organiser le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap.

Sont également énoncées des préconisations afférentes à l’accompagnement individualisé qui doit être assuré en matière de vie affective et sexuelle :

  • développement de l’expression des émotions et compétences psychosocial ;
  • informations sur le droit à la vie affective, relationnelle, intime et sexuelle ;
  • écoute attentive et respectueuse des besoins exprimés par les personnes accueillies ou accompagnées, sans immixtion dans leurs choix ;
  • respecter l’orientation sexuelle et les identités de genre ;
  • répondre à toute demande exprimée en matière de contraception ;
  • requérir systématiquement le consentement de la personne avant d’intervenir sur son corps dans les actes de la vie quotidienne ;
  • veiller à avoir des pratiques respectueuses de la personne dans la réalisation des actes de la vie quotidienne (ex. : toilette, habillage, soins), notamment en la dissimulant de la vue de l’environnement ;
  • accueillir et soutenir tout désir de parentalité.

Enfin, l’annexe traite de manière approfondie la thématique des violences sexuelles faites aux personnes en situation de handicap :

  • en rappelant et présentant les différentes infractions pénales susceptibles d’être caractérisées ;
  • en détaillant les mesures de signalement à opérer ;
  • en décrivant les mesures d’accompagnement à mettre en oeuvre.

 

2. Commentaire

 

On ne peut que se réjouir que les pouvoirs publics prêtent une attention particulière au respect des droits fondamentaux des personnes accueillies ou accompagnées en ESSMS et, en particulier, à la déclinaison du droit à l’intimité de la vie privée s’agissant de la vie affective et sexuelle s’agissant de la vie affective et sexuelle. Il ne faut jamais oublier que la dimension collective de la vie en établissement est, par nature, susceptible d’imposer des contraintes qui limite l’exercice de la liberté individuelle. C’est bien pour cela que la loi du 2 janvier 2002 et ses textes d’application ont beaucoup insisté sur la définition des droits des personnes accueillies ou accompagnées (voir notamment l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles ou CASF et la Charte des droits et libertés de la personne accueillie ; pour une analyse détaillée de ces droits : O. Poinsot, Le droit des personnes accueillies ou accompagnées, les usagers dans l’action sociale et médico-sociale, coll. Ouvrages généraux, LEH éd. 410 pages), cette insistance sur le respect des droits ayant constitué l’un des axes forts de la rénovation de la loi sociale de 1975.

Ceci étant, il pourrait paraître un peu surprenant que l’Administration centrale diffuse, par circulaire, des éléments qui en réalité constituent des recommandations de bonnes pratiques professionnelles transversales sur le respect de la liberté affective et sexuelle dans le champ du handicap. Cela semble toutefois s’expliquer par deux considérations :

  • d’une part, le respect du droit des personnes en situation de handicap à une vie affective et sexuelle constitue une priorité des politiques sociales actuelles ;
  • d’autre part, si l’ANESM puis la Haute autorité de santé (HAS) ont pu inclure la thématique de la vie affective et sexuelle dans certaines recommandations de bonnes pratiques catégorielles, pour autant il n’existe pas encore de recommandations transversales sur ce sujet.

Dans ce contexte, les professionnels trouveront dans la circulaire des éléments tout à fait intéressants. Mais leur mise en œuvre supposera nécessairement que cette attention appuyée s’accompagne d’une allocation de crédits à la hauteur de l’ambition affichée. D’une certaine manière, ce besoin de ressources budgétaires semble pris en compte par la DGCS lorsque, dans la circulaire, elle envisage l’intégration de la thématique dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Reste à voir si cette volonté se concrétisera dans les faits.

Enfin, le recours à la forme d’une circulaire administrative n’est pas neutre. En effet, l’autorité réglementaire aurait tout aussi bien pu édicter un texte réglementaire, codifié dans le Livre III du CASF sous forme de conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement transversales, pour objectiver les mesures pratiques obligatoires à mettre en œuvre dans les ESSMS. Cela aurait eu pour conséquence de rendre opposables aux autorités de tarification les charges correspondantes. Mais en l’occurrence, la circulaire précise bien dès le début du texte qu’elle n’a pas de valeur opposable …

 

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