EHPAD : les conclusions de la “mission flash” de l’Assemblée nationale sur l’EHPAD de demain

Mar 2, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public, Tarification

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Dans le cadre de sa mission d’information consécutive au scandale Orpéa, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a entendu le 2 mars 2022 les rapporteures de la « mission flash” constituée pour imaginer le modèle de l’EHPAD de demain.

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Sont relatés ici les principaux éléments de synthèse présentés par les rapporteures de cette « mission flash » sur l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de demain, mission qui a œuvré sans désemparer pendant une semaine : mesdames Véronique HAMMERER, Caroline FIAT et Isabelle VALENTIN.

Madame Véronique HAMMERER

La rapporteure rend compte de trois axes de travail à approfondir :

1°) la nécessité de clarifier une gouvernance publique locale (agences régionales de santé ou ARS, Conseils départementaux ou CD)

En pratique, des difficultés voire une absence de coordination sont constatées, qui posent la question de savoir s’il ne serait pas pertinent de concentrer l’ensemble des compétences entre les mains d’une seule autorité administrative. Toutefois, la mission s’abstient de préconiser impérativement une telle unification.

2°) la nécessité de revoir le dispositif de contrôle administratif

  • les contrôles annoncés à l’avance doivent disparaître, au profit des seuls contrôles inopinés ;
  • il est impératif de renforcer les moyens des équipes de contrôle, en nombre comme en compétences techniques ;
  • les contrôles ne doivent pas exclusivement s’attacher à des considérations comptables mais doivent porter sur les aspects humains des prises en charge.

Pour ce faire, deux pistes de travail sont envisagées :

  • le renforcement de l’articulation des contrôles exercés par les ARS et les CD via l’adoption de programmes de contrôle communs ainsi que la définition a priori d’indicateurs harmonisés et partagés. La mutualisation des équipes de contrôle est préconisée, assortie de l’adjonction de compétences pluridisciplinaires dont, notamment, la participation d’infirmières et d’aide-soignantes ;
  • l’accroissement du champ de compétence de la Cour des Comptes et des Chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), afin notamment que ces juridictions financières soient habilitées à auditer les comptes des grands groupes privés.

3°) la nécessité de remettre en cause la gestion lucrative des EHPAD

Sur ce point, deux séries de mesures sont envisagées :

  • l’harmonisation de la législation et de la règlementation en vue de l’institution d’un régime commun aux acteurs privés lucratif et aux autres catégories juridiques d’organismes gestionnaires. Il s’agit en particulier d’harmoniser les règles de présentation des comptes et de supprimer la possibilité, pour les groupes privés, de se prévaloir du secret des affaires ;
  • l’obligation faite aux organismes gestionnaires privé lucratif d’intégrer le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), en se constituant en sociétés à mission au sens de la loi PACTE. L’adoption de ce statut aurait notamment pour effet de renforcer le contrôle, dans la mesure où de telles sociétés sont soumises au contrôle du respect de leurs engagements sociaux et environnementaux par des organismes tiers indépendants (OTI) ;

afin de faire en sorte que le grand âge ne soit plus un business.

Madame Caroline FIAT

Dans le prolongement du rapport d’information qu’elle avait rendu avec madame Monique IBORRA, la rapporteure propose les pistes de réflexion suivantes :

  • renforcer les taux d’encadrement (doublement sans délai du personnel soignant) ;
  • considérer que l’EHPAD est un lieu de vie où l’on est soigné et non un lieu de soins où l’on vit ;
  • modifier l’organisation et l’architecture des EHPAD – afin qu’ils n’aient plus l’aspect d’hôpitaux – pour en faire des lieux qui donnent la sensation d’être à domicile et qui promeuvent la citoyenneté, en s’inspirant du modèle hollandais d’Hogeweyk ;
  • supprimer l’appellation “EHPAD” ;
  • réformer le système de contrôle, en bannissant la pratique des contrôles annoncés et en recourant à une méthodologie de contrôle de type « usager traceur » ;
  • confier la réalisation des évaluations exclusivement au service public ;
  • donner au champ médico-social des personnes âgées des moyens budgétaires significatifs (1 % du produit intérieur brut ou PIB) ;
  • interdire l’accès aux opérateurs privés lucratifs, dans la mesure où il faut craindre que le statut de société à mission ne sera pas suffisant.

Madame Isabelle VALENTIN

La rapporteure insiste sur le fait que les EHPAD doivent demeurer des lieux de vie où l’on est soigné et non le contraire. Puis elle présente les propositions suivantes :

  • faire reposer la définition des interventions sur le screening de la fonction ICOPE promue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
  • supprimer le fonctionnement “en silo” des professionnels du grand âge ;
  • réformer la tarification ;
  • considérer que le financement des actions de prévention peut être assuré grâce aux économies réalisées sur les dépenses « curatives » ;
  • remédier au manque de moyens en personnel, que ce soit en volume ou en niveau de compétences, ce qui se pose en particulier un effort significatif de formation ;
  • recruter davantage d’aide médico-psychologiques (AMP) et de rééducateurs (ergothérapeutes, psychomotriciens) ;
  • faire évoluer la formation des directeurs d’EHPAD – dont la compétence est déjà reconnue en matière de gestion – afin de les sensibiliser davantage aux dimensions humaine, éthique et relationnelle ;
  • concevoir un modèle économique dans lequel doit fortement diminuer le reste à charge.

Au-delà, la rapporteure propose une évolution du modèle des EHPAD tenant compte des préconisations suivantes :

  • ouvrir davantage les établissements à leur environnement, notamment en y incluant des projets transgénérationnels destinés à la population environnante ainsi que des équipements d’intérêt collectif ;
  • accroître les partenariats avec les acteurs locaux du soins, notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les communautés hospitalières de territoire (CHT) ;
  • assurer un continuum avec les autres acteurs du grand âge ;
  • créer des EHPAD de nuit et organiser concomitamment un système de transport adéquat.

La rapporteure conclut par la nécessité d’adopter une véritable loi “grand âge et autonomie”.

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