Par une ordonnance du 20 juin 2022, le Président du Tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) de Paris a jugé que la contestation du tarif d’entretien du linge personnel d’un résident d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne relève pas de la juridiction de la tarification sanitaire et sociale mais doit être soumise au Tribunal administratif (TA).
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1. Les faits
La fille d’une résidente d’EHPAD public est insatisfaite d’une décision prise directeur adjoint de l’établissement pour l’entretien du linge personnel par la structure. Elle décide de la contester.
2. La procédure
La fille de la résidente saisit, pour le compte de sa mère, le TITSS, afin d’obtenir l’annulation de la décision, le remboursement des frais indûment facturés ainsi que des dommages-intérêts.
Pour ce faire, elle fait valoir qu’elle n’est conforme ni au contrat de séjour et à ses annexes, ni au règlement de fonctionnement.
L’ordonnance ne mentionne pas d’arguments qui auraient été présentés par l’établissement.
3. La solution
Le Président du TITSS, sur le fondement de l’article R. 351-28 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) qui lui permet d’écarter les requêtes excédant la compétence de sa juridiction, s’empare du dossier. Il relève que :
- d’une part, au visa de l’article L. 351-1 du CASF, le tarif contesté n’est pas au nombre des décisions tarifaires susceptibles d’être déférées au juge du tarif ;
- d’autre part, la décision critiquée a été prise en violation de l’annexe 5 du contrat de séjour.
Il en déduit que les demandes de la requérante relève d’un recours devant le TA et rejette donc la requête.
4. L’intérêt de l’ordonnance
Cette ordonnance mérite d’être signalée à plusieurs intérêts.
D’une part, c’est la première décision d’une juridiction de la tarification sanitaire et sociale à statuer sur la recevabilité d’une demande afférente à la non conformité d’une décision administrative instituant une prestation accessoire obligatoire en violation du contrat de séjour. Jusqu’alors, la jurisprudence des ordonnances présidentielles ne concernait qu’une contestation de la diminution du montant de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), laquelle ne constitue pas à proprement parler un tarif de l’établissement.
D’autre part, il est intéressant de relever que le Président a exercé sa compétence en vérifiant la nature de la décision contestée au regard de ce que sont les catégories de tarification justiciable du TITSS. Il n’a pas explicitement pris en considération l’existence d’un mandat permettant à la fille de la résidente d’ester au nom et pour le compte de sa mère. Dès lors qu’une ordonnance de tri a déjà pu être motivée par une absence de mandat, y compris en cas de saisine par le tuteur (qui n’avait pas produit le jugement l’ayant investi), on peut imaginer qu’en l’espèce, le magistrat s’est intéressé à la question de la compétence matérielle du Tribunal avant de se pencher sur celles de la qualité pour agir et de l’intérêt pour agir. Sur ce dernier point, on rappellera au passage que le juge du tarif accepte de recevoir le recours d’un enfant de résident d’EHPAD s’il prouve qu’il supporte financièrement, en totalité ou en partie, le paiement du tarif hébergement.
Enfin, cette ordonnance retient l’attention dans la mesure où le Président du TITSS – qui n’avait pas besoin d’évoquer la non conformité de la décision contestée aux clauses du contrat de séjour pour rejeter la requête – a néanmoins trouvé opportun de mentionner cet élément dans sa décision. Ce faisant, on peut anticiper que si le TA est saisi, alors se posera la question de savoir si, par une décision administrative, il est permis d’imposer aux résidents d’un EHPAD public une prestation non comprise dans le socle de prestations règlementaire. Depuis 2017, il est acquis que le contrat de séjour d’un établissement ou service social ou médico-social (ESSMS) public n’a qu’une valeur informative mais ne crée pas d’obligations contractuelles. L’autorité administrative est donc fondée à prendre des décisions de nature règlementaire pour déterminer et modifier le régime de l’accueil ou de l’accompagnement. En l’espèce, la solution du litige devant le juge administratif de droit commun dépendrait donc du point de savoir si l’imposition d’une prestation facultative aux résidents serait légale et donc bien motivée. Il serait très intéressant de connaître la réponse qui serait apportée car l’enjeu serait celui de permettre l’augmentation unilatérale de la charge financière de la prise en charge.
TITSS Paris, 20 juin 2022, Pérennou c/ Fondation Gourlet Bontemps, n° 22.003