HANDICAP : l’aidant familial d’une personne handicapée qui n’habite pas sur place acquiert quand même gratuitement des droits à retraite

Juil 19, 2022Droit des associations et des ESMS, Droit public

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Le 7 juillet 2022, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a dit pour droit que l’aidant familial d’une personne en situation de handicap acquiert gratuitement des droits à retraite au régime général de la sécurité sociale même s’il ne réside pas au domicile de la personne aidée.

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1. Les faits

Suite de la décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui a reconnu à l’un de ses parents un taux d’incapacité permanente supérieur ou égal à 80 % avec nécessité d’une assistance ou d’une présence permanente à domicile, une personne décide de se consacrer à eux à leur domicile. N’exerçant pas une activité professionnelle à temps plein, elle sollicite de la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) le bénéfice de l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale en sa qualité d’aidant familial.

La MSA refuse cette affiliation.

2. La procédure

L’aidante familiale saisit le pôle social du Tribunal judiciaire qui la déboute.

Elle interjette appel. La Cour d’appel confirme le jugement de première instance au motif que le Code de la sécurité sociale réserve cette ouverture gratuite des droits à retraite aux seuls aidants résidant sous le même toit que les personnes aidées : « si l’assistance ou la présence de l’aidant familial n’est plus nécessairement permanente, il n’en reste pas moins qu’au regard de la condition de foyer familial prévue à l’article L. 381-1 du Code de la sécurité sociale, madame M…. ne peut être considérée comme assumant au foyer familial la charge de [sa mère] puisqu’elles ne partagent pas le même foyer, madame W… M…, quelle que soit son implication dans la lourde et méritoire tâche consistant à s’occuper de son parent handicapé reconnaissant la permanence, en ce qui la concerne, d’un foyer distinct ».

S’étant pourvue ne cassation, l’aidante fait valoir que :

  • la notion de « foyer familial » impose seulement que la prise en charge, par la personne aidante, de l’adulte handicapé soit effectuée au domicile de ce dernier ;
  • l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale de l’aidant a pour objet de compenser l’absence de possibilité, pour cette personne, d’exercer un travail ;
  • le fait que l’aidant ne soit pas domicilié chez l’adulte handicapé est indifférent et ne peut permettre à la caisse de refuser de faire droit à la demande d’affiliation dès lors que :
    • la CDAPH a accordé à l’adulte handicapé un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %,
    • la même commission a émis un avis favorable à l’affiliation de l’aidant au régime d’assurance vieillesse,
    • la réalité de l’aide apportée par la personne sollicitant l’affiliation n’est pas contestée.

3. La solution

La Cour de cassation interprète l’article L. 381-1, alinéa 6, 2°, du Code de la sécurité sociale en vertu duquel l’affiliation à l’assurance retraite du régime général bénéficie aux aidants “assumant, au foyer familial, la charge d’une personne adulte handicapée” ayant cessé totalement ou partiellement leur activité professionnelle pour ce faire.

A ce titre, elle dit pour droit que le texte n’impose pas que l’aidant familial réside au sein du même foyer que la personne dont il assume la charge effective.

Elle casse donc l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant une autre Cour d’appel.

4. L’intérêt de l’arrêt

Au premier chef, cet arrêt intéresse bien sur les aidants familiaux des personnes en situation de handicap justifiant d’un taux d’invalidité égal ou supérieur à 80 %.

Mais, alors que les politiques sociales promeuvent l’autodétermination et la préférence pour le milieu ordinaire de vie, il est important que les professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) aient connaissance de cette solution :

  • d’abord, parce qu’ils ont l’obligation de renseigner les personnes accueillies ou accompagnées sur leurs droits, comme le prescrit explicitement l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie. Or, informer une personne en situation de handicap accueillie sur la possibilité de jouir d’un aidant familial bénéficiant gratuitement du droit à retraite, gratuitement et sans limitation de durée, entre dans le périmètre de cette obligation. Il faut d’ailleurs, au passage, signaler que ces professionnels doivent plus généralement être en mesure d’apporter des réponses aux usagers quel que soit le sujet juridique qui leur est soumis ;
  • ensuite, parce qu’ils sont conduit – au nom de la recomposition de l’offre – à imaginer de nouveaux dispositifs au sein desquelles l’intervention des aidants familiaux a toute sa place. L’information est donc nécessaire pour assurer l’ingénierie sociale de ces nouvelles solutions.

Cass., Civ. 2, 7 juillet 2022, Mme M… c/ Caisse de MSA du Languedoc, n° 21-11866

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