SERAFIN-PH : objectif 2025 ! (actualisé le 16 mars 2023)

Fév 15, 2023Droit des associations et des ESMS, Droit public, Tarification

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Le 13 février 2023, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, a réuni le comité stratégique (COSTRAT) du groupe-projet SERAFIN-PH pour définir sa feuille de route 2023. Ce plan d’action prévoit l’entrée en vigueur généralisée de la nouvelle tarification en 2025. Les quelques informations disponibles sur le produit de cette réunion sont issues d’un communiqué de presse.

 

1. Présentation

 

L’analyse du communiqué ministériel conduit à distinguer 6 informations importantes :

  • en 2023, 2 sujets doivent être traités :
    • d’une part, la définition d’indicateurs de mesure de l’activité nécessaires à la construction du modèle tarifaire ;
    • d’autre part, la construction des premières équations tarifaires déclinant ce nouveau modèle. Une version de travail sera produite au 1er semestre 2023, afin de servir de base à des échanges itératifs avec les acteurs du secteur ;
  • plusieurs équations tarifaires seront construites pour tenir compte notamment de la variabilité des coûts selon le public accueilli (enfant / adulte, besoins …) et les modalités d’accueil (hébergement, lieux de vie …) ;
  • les études nationales de coûts (ENC) ont permis de :
    • dégager les principaux déterminants de coûts ;
    • d’identifier des ordres de grandeur des charges directes et indirectes qui seront mobilisés dans les équations tarifaires ;
    • constituer une base de travail pour les travaux de modélisation ;
  • les travaux en cours tendent vers une personnalisation des accompagnements et non vers leur standardisation. La réforme ne sera pas une tarification à l’activité (T2A) mais un modèle « hybride » tenant compte des modalités d’accompagnement, des besoins de la personne et de l’activité ;
  • à compter de 2025, les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) suivants du champ “handicap enfants & adolescents” seront concernés par la mise en oeuvre de la nouvelle tarification :
    • dispositifs instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (DITEP) ;
    • services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ;
    • instituts médico-éducatifs (IME) ;
    • dispositifs instituts médico-éducatifs (DIME) ;
    • dispositifs d’accompagnement médico-éducatif (DAME) ;
  • l’application de la nouvelle tarification sera progressivement généralisée à l’ensemble des ESSMS-PH.

 

2. Commentaire

 

5 observations sont inspirées par les annonces faites dans le communiqué de presse ministériel.

 

2.1. Les modalités de tarification des dispositifs n’existent pas

 

Le calendrier de déploiement vise, pour 2023, certains dispositifs (DITEP, DIME, DAME). Or, de tels dispositifs n’ont actuellement aucune existence juridique au regard de la typologie fixée par l’article D. 312-0-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Il en résulte qu’il n’existe pas actuellement de modalités de tarification propres à ces dispositifs.

 

2.2. Une mise en concordance des équations tarifaires avec la physionomie de l’évaluation ?

 

L’annonce de la modélisation de plusieurs équations tarifaires pour tenir compte des publics et des modalités d’accueil ou d’accompagnement rejoint la typologie des critères de l’évaluation des ESSMS qui, pour rappel, comprend :

  • un tronc commun de critères applicables à tous les ESSMS ;
  • des spécificités en fonction des publics et des formes d’intervention (hébergement ou ambulatoire).

Lorsque les équations tarifaires seront connues, il sera donc intéressant de vérifier si elles correspondront à ces catégories. Si tel était le cas, alors les autorités de tarification et de contrôle pourraient procéder à une comparaison complète, par ensembles homogènes, non seulement des niveaux de qualité sur la base d’un référentiel unique mais aussi des tarifs afférents ; le risque de standardisation demeurerait.

 

2.3. L’importance de la conception des indicateurs d’activités

 

Comme cela avait été signalé sur ce blog (post du 27 janvier 2022, point 2.1) avant d’être mis en exergue dans la tribune de Sébastien POMMIER dans la livraison de la revue Direction[s] de février 2023, en écho à celle d’Olivier POINSOT de décembre 2022, l’enjeu pratique majeur de la réforme SERAFIN-PH réside dans la méthode retenue pour évaluer l’activité, puisqu’une part au moins du financement sera corrélée à cette dernière.

Sur ce point, le communiqué ne donne aucune information et il faudra donc attendre la publication des projets d’équation tarifaire pour exprimer une analyse.

 

2.4. Le mystère des ENC

 

Le communiqué évoque les ENC conduites par l’Agence technique pour l’informatisation de l’hospitalisation (ATIH). A ce jour, sauf erreur de notre part, ces données ne sont pas publiques et ne peuvent donc être examinées. Or, ce point est important car le traitement statistique de ces données n’avait jusqu’ici pas pu aboutir à la définition de variables discriminantes de coûts permettant de différencier ceux-ci en fonction de la nature des activités d’accueil et d’accompagnement. Si tel est bien le cas, alors la modélisation est compromise.

Le communiqué ne donne pas non plus d’indications sur la prise en compte d’une observation importante selon laquelle le nouveau dispositif ferait purement et simplement disparaître toute possibilité de contentieux de la tarification. Sur ce point, il faut espérer que les têtes de réseau qui participeront aux échanges itératifs en cours de modélisation expriment des attentes fortes en la matière, faute de quoi les intérêts de leurs adhérents ne seraient pas convenablement défendus.

 

2.5. Le sophisme de la négation de la T2A

 

Le communiqué, reprenant un élément de langage connu, souligne que “les travaux en cours tendent vers une personnalisation des accompagnements et non vers leur standardisation. Cette réforme ne sera pas une T2A, mais un modèle hybride tenant compte des modalités d’accompagnement, des besoins de la personne et de l’activité”.

La question de la santardisation a déjà été évoquée ci-dessus : le risque de standardisation résultera de la comparabilité des tarifs entre ESSMS – renforcée par l’évaluation – et, si elle persiste, de l’incapacité à définir des variables discriminantes de coûts en fonction des activités (publics, modalités d’accueil ou d’accompagnement).

Ceci étant, le modèle mixte de tarification – c’est-à-dire comprenant une part fixe et des parts variables en fonction de l’activité – a été inventé avec la T2A sanitaire. En effet, cette dernière ne se résume pas à la pratique de seuls tarifs d’actes. Pour mémoire, la structure de la tarification des établissements de santé est la suivante (liste non exhaustive) :

 

  • financements socles :

 

    • forfait hospitalier acquitté par le patient (article L. 160-13 du Code de la sécurité sociale) ;
    • dotation complémentaire qualité et sécurité des soins (QSS) pour les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d’odontologie (MCO), de soins de suite et de réadaptation (SSR) et de psychiatrie, conformément à l’article L. 162-23-15 du CSS ;
    • dotation globale MIGAC au sens des articles L. 162-22-13 et D. 162-6 du CSS ;
      • la dotation MIG (missions d’intérêt général) ne concerne que les établissements exerçant une mission de service public hospitalier ;
      • la dotation AC (aide à la contractualisation) concerne tous les établissements car elle s’inscrit dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Elle a pour finalité de faciliter la mise en œuvre des priorités de santé publique inscrites au sein des plans et programmes nationaux ;
    • dotation globale des établissements de SSR, comme le prévoit l’article R. 162-34-10 du CSS ;
    • dotation populationnelle des établissements de psychiatrie (article R. 162-31-4 du CSS) ;
    • dotation qualité de codage des établissements de psychiatrie prévue par l’article 4 de l’arrêté
    • dotations et forfaits annuels :
      • forfait MERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation) servi aux établissements hospitalo-universitaires et aux centres de lutte contre le cancer (CLCC), prévu par l’article D. 162-6 du CSS ;
      • divers autres forfaits décrits par l’article D. 162-5 du CSS :
        • forfait d’accueil aux urgence (FAU) ;
        • forfait de coordination des prélèvements d’organes (CPO) ;
        • forfait pour activités de greffe (FAG) ;
        • forfait pour transplantation d’organes et de moelle osseuse (FTOMO) ;
      • dotation activités spécifiques des établissements de psychiatrie prévue par l’article R. 162-34-4 du CSS et par l’annexe 2 de l’arrêté ;
      • dotation structuration de la recherche, pour les établissements psychiatriques hospitalo-universitaires (article R. 162-31-4 du CSS) ;
      • dotation nouvelles activités des établissements de psychiatrie (article R. 162-31-4 du CSS) ;
      • dotation d’accompagnement à la transformation des établissements de psychiatrie (article R. 162-31-4 du CSS) ;

 

  • tarifs liés à une activité :

 

Il est donc acquis que la T2A sanitaire est un système de tarification mixte ou hybride, comme le sera également SERAFIN-PH. Pour cette raison, il est justifié d’affirmer que la future structure tarifaire des ESSMS-PH, en ce qu’elle sera mixte elle aussi, sera comparable à la T2A sanitaire.

On en déduira aussitôt pourquoi – contrairement à ce qui a pu être parfois soutenu – l’actuel système de tarification des ESSMS-PH en prix de journée ou dotation globale n’a rien avoir avec une T2A : il s’agit d’un financement “tout compris”, unique et global, étranger aux notions d’unité d’oeuvre et de cumul de plusieurs tarifs qui sont les caractéristiques du projet SERAFIN-PH.

 

Actualisation du 16 mars 2023

 

Lors des Rencontres nationales ANDICAT des 14-15 mars 2023, les représentants de la CNSA et de la DGCS oint précisé que l’élaboration des équations tarifaires dépendra de la prise en compte d’unités d’oeuvre :

Pour voir la diapo, cliquer ici : GTIA unités d’oeuvre SERAFIN-PH (extraite de la présentation des travaux de SERAFIN-PH par MM. Guillaume Marion (DGCS) et François-Xavier Debrabant (CNSA) à l’espace Reuilly (Paris) le 15 mars 2023 de 10h15 à 11h00)

 

Par ailleurs, il faut signaler qu’un député a interrogé formellement le gouvernement sur SERAFIN-PH. En effet, par la question écrite n° 5353 du 7 février 2023, l’honorable parlementaire a interpellé le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

“sur le dispositif Serafin-PH qui risque de dégrader profondément le service public d’accompagnement des personnes en situation de handicap. Celui-ci est actuellement en phase d’expérimentation dans 10 % des établissements et services sociaux et médico-sociaux, en attendant sa généralisation prévue pour 2024. Les salariés des établissements qui sont concernés par l’expérimentation l’ont alerté sur cette tarification à l’acte qui ne dit pas son nom et qui déshumanise le travail social. Elle pose de nombreux problèmes qui sont similaires à ceux que connaît l’hôpital public avec la mise en place de la tarification à l’acte. Les personnels sociaux et médico-sociaux sont contraints à des procédures chronophages de saisie informatique de tous les actes de prise en charge qu’ils effectuent auprès des personnes en situation de handicap. Cette vision de l’accompagnement, comme un série d’actes isolés et saucissonnés, ignore sa nécessaire dimension globale. Elle implique aussi un contrôle accru du travail des personnels, qui doivent rendre compte de chacun de leurs actes, ce qui constitue une nette dégradation de leurs conditions de travail. Elle permet aussi plus facilement le recours à des services privés lucratifs. Le 6 janvier dernier, le Président de la République, M. Emmanuel Macron a annoncé dans ses vœux aux soignants vouloir mettre fin à la tarification à l’acte dans les hôpitaux, ce qui montre qu’il semble avoir pris la mesure des effets délétères de ce type d’organisation sur la qualité du service public. Cette prise de conscience devrait mener à abandonner toute forme de tarification à l’acte dans les services publics, dont le dispositif Serafin PH. Est-ce bien le cas ? M. le député demande donc à M. le ministre si, prenant exemple de la sagesse du Président de la République, il compte renoncer à la mise en place de Serafin PH”.

 

Enfin, lorsqu’on anticipe un risque de standardisation, il s’agit du fait que la gouvernance publique des ESSMS s’effectuera par catégorie juridique au sens de l’article L. 312-1, I du CASF, Or, en réalité, les ESSMS de même catégorie ne sont pas comparables entre eux car il existe parfois des différences importantes :

  • de caractéristiques populationnelles (ex. : un IME accueillant majoritairement des déficients intellectuels a un plateau technique, des méthodes et des équipements d’intervention différents de celui qui accompagne majoritairement des enfants ou adolescents atteints de TSA ou de TDA/H) ;
  • de choix techniques d’accompagnement (ex. : un ITEP dont l’approche technique est psychothérapeutique n’a pas le même plateau technique – donc pas les mêmes qualificatifs et, par voie de conséquence, pas la même masse salariale – qu’un ITEP à orientation comportementalisme) ;
  • d’équipements (ex. : certains EEAP disposent d’une salle Snoezelen, d’autres d’une balnéothérapie, d’autres s’une salle de kinésithérapie) ;
  • de modèle économique (ex. : un ESAT “hors les murs” n’a rien à voir avec un ESAT à cotation industrielle) ;
  • de rattachement de services autorisés ou de dispositifs annexes (ex. : avec ou sans SESSAD ou SAVS, avec ou sans EMAS, avec ou sans SAMSAH).

C’est pourquoi le modèle de tarification annoncé, en tant qu’il repose sur une vision bureaucratique des activités sans rapport avec le réel, est dangereux. Il ne faut pas oublier que l’essentiel des compétences mises en œuvre relèvent des sciences sociales et qu’à ce titre, il n’existe pas de savoirs scientifiques univoques et exclusifs ; la scientificité relève ici d’une démarche intégrative qui fait nécessairement coexister plusieurs conceptions ou « chapelles ». C’est là une différence majeure par rapport aux activités sanitaires, qui justifie que la régulation publique ne puisse pas employer les mêmes méthodes.

Les enjeux pratiques essentiels de la conception des équations tarifaires de SERAFIN-PH seront donc ceux du réalisme, de la simplicité, de la lisibilité et de la transparence. Faute de quoi, au-delà des professionnels, ce seront les personnes accueillies ou accompagnées qui seront pénalisées.

 

Communiqué ministériel consécutif au COSTRAT de SERAFIN-PH du 13 février 2023

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