Article TSA : Contester le non-versement d’une subvention FSE

Sep 3, 2014Droit des associations et des ESMS

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Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA :

Contester le non-versement d’une subvention FSE

 

  • Le problème posé

Mon association a signé une convention avec l’État ayant pour objet l’octroi d’une subvention du Fonds Social Européen  (FSE) dans  le  cadre  de l’opération « Aide au retour à l’emploi – Immersion professionnelle » pour  l’année  2010.  L’hébergement des stagiaires s’est fait dans un de nos foyers. Cette dépense a été justifiée  d’abord  par  une  facturation interne. À la suite du contrôle de service fait, la Direccte refuse de verser l’intégralité de la subvention, considérant qu’il s’agit d’une refacturation interne  non  éligible.  J’ai  pourtant transmis une attestation de l’expert-comptable. L’administration a-t-elle le droit de refuser de payer le solde de la subvention? Sommes-nous encore dans les délais pour contester?

 

  • Les solutions

Les règles nationales d’éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par  les  fonds  structurels  pour  la période 2007-2013 ont été fixées par un décret du 3 septembre 2007. La convention  que  vous  avez  conclue avec  l’État est rédigée sur  le modèle de convention établie par la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) (1). Au terme de cette convention, après contrôle de service fait et acceptation par  le service  instructeur des bilans d’exécution et des pièces justificatives qui les accompagnent, le paiement de l’aide du Fonds Social Européen (FSE) est effectué comme suit :
• des acomptes, d’un montant proportionnel aux dépenses éligibles réalisées et  acquittées,  sur  présentation  de bilans  intermédiaires  d’exécution conformes aux dispositions (…) ;
• un solde final, sur présentation d’un bilan final d’exécution.

Le contrôle de service fait est donc une opération préalable au règlement du solde de votre subvention. Cette opération est encadrée par une instruction DGEFP du 6 octobre 2008,à laquelle est annexée une note méthodologique sur les modalités de réalisation du contrôle de service fait des opérations cofinancées au  titre des programmes du FSE, pour  la période 2007-2013.  Il  est  précisé  que  ce  contrôle consiste en un examen de la correcte exécution de l’opération sélectionnée, telle que décrite dans l’annexe technique et financière de la convention relative à l’octroi d’une subvention du FSE. Il repose, d’une part, sur l’exploitation des visites sur place durant l’opération et, d’autre part, sur  l’analyse des demandes de remboursement de la participation communautaire produites par  les bénéficiaires. Cet exercice prend la  forme d’une vérification administrative et comptable du bilan établi par le bénéficiaire ainsi que de tout ou partie des pièces  justificatives y afférentes. Elle tend à établir, d’une part, le montant des dépenses réelles  justifiées et, d’autre part, le total des ressources reçues au titre des contreparties (hormis pour  les bilans intermédiaires).

Nature de la dette
La Direccte vous refuse le versement de la subvention FSE au motif que les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration n’étaient pas éligibles à l’opération car elles étaient établies par une refacturation  interne. Cette analyse est conforme à la réponse à la question n° 9 d’une note du 14 décembre 2010 sur  les contrôles de service fait, validée par la DGEFP le 30 mars 2011,  qui relève  que  les  dépenses internes ne sont pas éligibles dans la mesure où  il ne s’agit pas de dettes « constatées envers des tiers ». Cependant,  il me  semble que  cette position  administrative  peut  être contestée.

Tout d’abord, cette exigence ne ressort pas des dispositions du décret du 3 septembre 2007  fixant  les règles nationales d’éligibilité  des  dépenses  des  programmes cofinancés par  les  fonds structurels pour la période 2007-2013.

Ensuite,  l’instruction DGEFP du 6 octobre 2008 sur le contrôle de service fait précise que  la preuve de  l’acquittement des dépenses est soit fondée sur :
•  la production de factures acquittées ;
• le relevé bancaire faisant apparaître le mouvement financier correspondant (pour les organismes privés) ;
• la liste des pièces de dépenses visée par  le comptable public (pour  les organismes publics),  le commissaire aux comptes ou un expert-comptable externe à  l’organisme (pour  les organismes privés).

Enfin, l’article 19-1-1 de la convention modèle reprend les mêmes éléments, stipulant que  les coûts éligibles de l’opération doivent    « être  identifiables et contrôlables, viades  factures acquittées ou des pièces comptables de valeur probante équivalente,  la preuve des acquittements est apportée par visa des fournisseurs, du commissaire aux comptes ou de  l’expert-comptable pour  les bénéficiaires privés […] ou, le cas échéant, par un relevé de compte bancaire ».

Ces trois textes n’imposent donc pas que seules  les dettes constatées envers des tiers seraient éligibles au FSE. Vous  indiquez  avoir  transmis  à  la Direccte  une  attestation  de  votre expert-comptable  certifiant  que  les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration sont des dettes constatées envers des tiers. Pour être recevable, il me semble que vous devez en outre justifier à  la fois que  les dépenses  liées à  l’hébergement et à  la restauration étaient bien prévues dans le cadre de la subvention, et également justifier de la méthode de calcul de ces dépenses et des clés de répartition des éventuelles dépenses indirectes. Attention, sur ce dernier point,  l’administration est particulièrement exigeante. L’annexe 2 de la note méthodologique est d’ailleurs consacrée à cette question.

Prescription quadriennale
Selon  l’article 1er de  la  loi du 31 décembre 1968, « sont prescrites, au profit de l’État, des départements et des communes […] toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d’État admet depuis  longtemps que cette prescription  quadriennale  s’applique  à toutes les créances, quelle qu’en soit la nature, qu’une personne détient sur une collectivité publique (2). Le Ministre de l’Intérieur a d’ailleurs rappelé qu’une association ne peut réclamer le versement d’une subvention attribuée par une collectivité territoriale au-delà du délai de quatre ans (3). Cette règle est également applicable aux subventions versées par l’État.
Vous concernant,  la subvention FSE est une créance que  l’association détient sur  l’État. Par conséquent,  la prescription quadriennale s’applique. Votre association peut donc réclamer cette somme dans un délai de quatre ans. Reste à déterminer le point de départ de cette prescription. La circulaire du Premier Ministre du 24 décembre 2002 relative aux subventions de  l’État aux associations souligne que conformément au règlement général sur la comptabilité publique, c’est « la décision individuelle d’attribution de subvention » qui, après  intervention préalable des contrôles réglementaires et production des pièces justificatives, permet  le versement de  la subvention à l’association (annexe 2). Elle précise par ailleurs que dès  lors que  la convention conclue sur une base annuelle mentionne clairement  l’exercice budgétaire de référence, l’imputation budgétaire (section budgétaire et chapitre) et le montant de la participation de  l’État, elle vaut en elle-même engagement financier de  l’État, sans qu’il soit nécessaire de  la compléter par un arrêté attributif ou une décision attributive.
Votre association a conclu la convention avec  l’État concernant  l’attribution de la subvention FSE pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010. En appliquant l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968,  le point de départ du délai de prescription de cette créance envers l’État est le 1er janvier 2011. Votre association devrait donc avoir  jusqu’au 31 décembre 2014 pour demander le paiement de la subvention, soit dans  le cadre d’un recours soit gracieux soit contentieux. 

 

  • Attention

Une  instruction DGEFP n° 2012-11 du 29 juin 2012 a  refondu  les  règles de contrôle de service  fait des dépenses déclarées au  titre d’opérations subventionnées dans le cadre des programmes du FSE (4). Elle est à applicable aux nouvelles conventions signées après le 30 septembre 2012, notamment celles passées suite à  la publication du nouveau modèle de convention pour l’octroi d’une subvention du FSE (5).

 

(1) Note DGEFP n° 527, 5 mai 2008 (2) CE, 20 oct. 1943, Panhard : Rec. CE, p. 227 (3) Rép. min. n° 23107: JOAN Q, 7 oct. 2008 (4) Publiée au BO du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 30 sept. 2012 (5) Note DGEFP n° 245, 13 mai 2013.

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