Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA :
Contester le non-versement d’une subvention FSE
- Le problème posé
Mon association a signé une convention avec l’État ayant pour objet l’octroi d’une subvention du Fonds Social Européen (FSE) dans le cadre de l’opération « Aide au retour à l’emploi – Immersion professionnelle » pour l’année 2010. L’hébergement des stagiaires s’est fait dans un de nos foyers. Cette dépense a été justifiée d’abord par une facturation interne. À la suite du contrôle de service fait, la Direccte refuse de verser l’intégralité de la subvention, considérant qu’il s’agit d’une refacturation interne non éligible. J’ai pourtant transmis une attestation de l’expert-comptable. L’administration a-t-elle le droit de refuser de payer le solde de la subvention? Sommes-nous encore dans les délais pour contester?
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Les solutions
Les règles nationales d’éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013 ont été fixées par un décret du 3 septembre 2007. La convention que vous avez conclue avec l’État est rédigée sur le modèle de convention établie par la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) (1). Au terme de cette convention, après contrôle de service fait et acceptation par le service instructeur des bilans d’exécution et des pièces justificatives qui les accompagnent, le paiement de l’aide du Fonds Social Européen (FSE) est effectué comme suit :
• des acomptes, d’un montant proportionnel aux dépenses éligibles réalisées et acquittées, sur présentation de bilans intermédiaires d’exécution conformes aux dispositions (…) ;
• un solde final, sur présentation d’un bilan final d’exécution.
Le contrôle de service fait est donc une opération préalable au règlement du solde de votre subvention. Cette opération est encadrée par une instruction DGEFP du 6 octobre 2008,à laquelle est annexée une note méthodologique sur les modalités de réalisation du contrôle de service fait des opérations cofinancées au titre des programmes du FSE, pour la période 2007-2013. Il est précisé que ce contrôle consiste en un examen de la correcte exécution de l’opération sélectionnée, telle que décrite dans l’annexe technique et financière de la convention relative à l’octroi d’une subvention du FSE. Il repose, d’une part, sur l’exploitation des visites sur place durant l’opération et, d’autre part, sur l’analyse des demandes de remboursement de la participation communautaire produites par les bénéficiaires. Cet exercice prend la forme d’une vérification administrative et comptable du bilan établi par le bénéficiaire ainsi que de tout ou partie des pièces justificatives y afférentes. Elle tend à établir, d’une part, le montant des dépenses réelles justifiées et, d’autre part, le total des ressources reçues au titre des contreparties (hormis pour les bilans intermédiaires).
Nature de la dette
La Direccte vous refuse le versement de la subvention FSE au motif que les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration n’étaient pas éligibles à l’opération car elles étaient établies par une refacturation interne. Cette analyse est conforme à la réponse à la question n° 9 d’une note du 14 décembre 2010 sur les contrôles de service fait, validée par la DGEFP le 30 mars 2011, qui relève que les dépenses internes ne sont pas éligibles dans la mesure où il ne s’agit pas de dettes « constatées envers des tiers ». Cependant, il me semble que cette position administrative peut être contestée.
Tout d’abord, cette exigence ne ressort pas des dispositions du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d’éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013.
Ensuite, l’instruction DGEFP du 6 octobre 2008 sur le contrôle de service fait précise que la preuve de l’acquittement des dépenses est soit fondée sur :
• la production de factures acquittées ;
• le relevé bancaire faisant apparaître le mouvement financier correspondant (pour les organismes privés) ;
• la liste des pièces de dépenses visée par le comptable public (pour les organismes publics), le commissaire aux comptes ou un expert-comptable externe à l’organisme (pour les organismes privés).
Enfin, l’article 19-1-1 de la convention modèle reprend les mêmes éléments, stipulant que les coûts éligibles de l’opération doivent « être identifiables et contrôlables, viades factures acquittées ou des pièces comptables de valeur probante équivalente, la preuve des acquittements est apportée par visa des fournisseurs, du commissaire aux comptes ou de l’expert-comptable pour les bénéficiaires privés […] ou, le cas échéant, par un relevé de compte bancaire ».
Ces trois textes n’imposent donc pas que seules les dettes constatées envers des tiers seraient éligibles au FSE. Vous indiquez avoir transmis à la Direccte une attestation de votre expert-comptable certifiant que les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration sont des dettes constatées envers des tiers. Pour être recevable, il me semble que vous devez en outre justifier à la fois que les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration étaient bien prévues dans le cadre de la subvention, et également justifier de la méthode de calcul de ces dépenses et des clés de répartition des éventuelles dépenses indirectes. Attention, sur ce dernier point, l’administration est particulièrement exigeante. L’annexe 2 de la note méthodologique est d’ailleurs consacrée à cette question.
Prescription quadriennale
Selon l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, « sont prescrites, au profit de l’État, des départements et des communes […] toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d’État admet depuis longtemps que cette prescription quadriennale s’applique à toutes les créances, quelle qu’en soit la nature, qu’une personne détient sur une collectivité publique (2). Le Ministre de l’Intérieur a d’ailleurs rappelé qu’une association ne peut réclamer le versement d’une subvention attribuée par une collectivité territoriale au-delà du délai de quatre ans (3). Cette règle est également applicable aux subventions versées par l’État.
Vous concernant, la subvention FSE est une créance que l’association détient sur l’État. Par conséquent, la prescription quadriennale s’applique. Votre association peut donc réclamer cette somme dans un délai de quatre ans. Reste à déterminer le point de départ de cette prescription. La circulaire du Premier Ministre du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l’État aux associations souligne que conformément au règlement général sur la comptabilité publique, c’est « la décision individuelle d’attribution de subvention » qui, après intervention préalable des contrôles réglementaires et production des pièces justificatives, permet le versement de la subvention à l’association (annexe 2). Elle précise par ailleurs que dès lors que la convention conclue sur une base annuelle mentionne clairement l’exercice budgétaire de référence, l’imputation budgétaire (section budgétaire et chapitre) et le montant de la participation de l’État, elle vaut en elle-même engagement financier de l’État, sans qu’il soit nécessaire de la compléter par un arrêté attributif ou une décision attributive.
Votre association a conclu la convention avec l’État concernant l’attribution de la subvention FSE pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010. En appliquant l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, le point de départ du délai de prescription de cette créance envers l’État est le 1er janvier 2011. Votre association devrait donc avoir jusqu’au 31 décembre 2014 pour demander le paiement de la subvention, soit dans le cadre d’un recours soit gracieux soit contentieux.
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Attention
Une instruction DGEFP n° 2012-11 du 29 juin 2012 a refondu les règles de contrôle de service fait des dépenses déclarées au titre d’opérations subventionnées dans le cadre des programmes du FSE (4). Elle est à applicable aux nouvelles conventions signées après le 30 septembre 2012, notamment celles passées suite à la publication du nouveau modèle de convention pour l’octroi d’une subvention du FSE (5).
(1) Note DGEFP n° 527, 5 mai 2008 (2) CE, 20 oct. 1943, Panhard : Rec. CE, p. 227 (3) Rép. min. n° 23107: JOAN Q, 7 oct. 2008 (4) Publiée au BO du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 30 sept. 2012 (5) Note DGEFP n° 245, 13 mai 2013.