Article TSA : Comment procéder à un licenciement économique ?

Sep 30, 2014Droit des associations et des ESMS

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Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA : Comment procéder à un licenciement économique ?

 

  • Le problème posé

Je préside une association qui gère une équipe de rue de huit salariés, dont deux sont à temps partiel. Après l’annonce de la mairie de réduire la subvention qu’elle nous accordait depuis plusieurs années, nous envisageons, avec le conseil d’administration, de nous séparer de ces deux salariés. Pouvons-nous mettre en place une procédure de licenciement pour motif économique ? Quelles sont les règles à respecter ?

 

  • Les solutions

Le licenciement pour motif économique est une procédure de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur strictement réglementée par le Code du travail. Selon l’article L. 1233-3, il s’agit d’un licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la  personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les difficultés financières sérieuses que votre association rencontre actuellement peuvent donc constituer un motif économique justifiant plusieurs licenciements. Toutefois, de nombreuses étapes devront être respectées avant d’en arriver là.

Il vous faudra :
• constater les difficultés économiques de votre association ;
• déterminer le choix de gestion décidé pour sauver l’association (en l’espèce la suppression de deux postes) ;
• mettre en place des critères pour définir l’ordre des licenciements ;
• identifier les salariés concernés par ces licenciements ;
• rechercher les solutions de reclassement individuel de ces salariés ;
• mettre en œuvre la procédure de licenciement pour motif économique (consultations des instances représentatives du personnel, convocations et entretiens avec les salariés, notification du licenciement aux salariés) ;
• informer l’administration de ces licenciements.

Des difficultés économiques sérieuses…

La mise en place d’un licenciement économique nécessite la réunion d’un élément « causal » et d’un élément « matériel ». L’élément causal est l’événement affectant gravement la situation économique de l’association et qui contraint cette dernière à effectuer des choix de gestion drastique, en l’occurrence la suppression de deux postes.L’article L. 1233-3 du Code du travail vise notamment les difficultés économiques. Vous pourrez donc invoquer ce motif. Mais attention, le simple constat de « difficultés économiques » ne suffit pas. La jurisprudence est en effet venue compléter l’appréciation de ce motif afin de ne pas confondre « difficultés économiques » et « volonté de l’entreprise de réaliser des économies ».

Ainsi, vos difficultés économiques doivent :
• être réelles et sérieuses (Cass. soc.,12 nov. 1997) ;
• être durables (Cass. soc., 26 oct. 2004) et pas simplement passagères (Cass.soc., 8 déc. 2004) ;
• justifier la suppression d’emplois (Cass. soc., 26 oct. 2004) et constituer la raison véritable du licenciement (Cass. soc., 7 janv. 1998).

En outre, la jurisprudence prend en compte l’attitude de l’employeur pour apprécier le caractère sérieux des difficultés économiques.
Ces difficultés ne doivent pas résulter d’une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l’employeur (Cass. soc., 9 oct. 1991) ou d’une faute grave de gestion entraînant un refus d’autorisation administrative de fonctionnement (Cass. soc., 26 janv. 1994).

… entraînant des suppressions de postes

Le second élément, « matériel », correspond aux conséquences inéluctables engendrées par les difficultés économiques. Dans votre cas, il s’agira de la suppression des deux postes. Mais attention, ces postes ne devront pas être remplacés, votre activité devra se poursuivre avec un effectif réduit.

Quels salariés licencier ?

Une fois la mesure de licenciement économique envisagée, il faut déterminer l’ordre des licenciements, c’est-à-dire les salariés concernés. Cette sélection des salariés est encadrée par la loi et la jurisprudence. Les critères sont définis par l’employeur sur la base de l’article L. 1233-5 et des dispositions conventionnelles applicables. Les représentants du personnel doivent être consultés pour avis. Les critères arrêtés par l’employeur doivent prendre en compte notamment les charges de famille, l’ancienneté de service dans l’association, les qualités professionnelles et la situation sociale des salariés. Ils ont vocation à s’appliquer à l’ensemble du personnel et chaque salarié peut en demander la communication. Sur la base de ces critères, vous pourrez procéder à l’identification des salariés concernés par les licenciements.

L’exigence d’une recherche de reclassement

Le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise, ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient, n’est pas possible. Le reclassement interne doit être recherché dans les emplois disponibles de l’entreprise en tenant compte de ses différents établissements (Cass. soc.,24 oct. 2006) ou dans le groupe. Les offres de reclassement proposées aux salariés doivent être écrites et précises. Attention, si cette obligation préalable de recherche de reclassement n’a pas été respectée, le licenciement du salarié concerné est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 1er avr. 1992).

Respect de la procédure

La procédure à respecter dépend de la catégorie de licenciement économique envisagée, à savoir soit un licenciement individuel, soit un licenciement collectif, c’est-à-dire concernant au moins deux salariés dans une même période de 30 jours. Notons qu’une autre distinction est faite dans les licenciements collectifs entre ceux concernant moins de 10 salariés et ceux concernant au moins 10 salariés (encadré, ci-dessus). Dans votre cas, il s’agira d’un licenciement collectif de moins de 10 salariés. C’est donc la procédure des articles L. 1233-8 et suivants qui s’applique. 

Consultation des représentants du personnel

En principe, les institutions représentatives du personnel (comité d’entreprise ou délégués du personnel) doivent être consultées au moins une fois sur le projet de licenciement. Dans votre association, il semble que l’effectif n’ait pas atteint 11 salariés pendant 12 mois au cours des trois années précédentes. Vous n’avez donc pas eu besoin de mettre en place une délégation du personnel. La phase de consultation préalable n’est pas nécessaire.

Entretien préalable et notification

L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique doit convoquer, avant toute décision, le ou les intéressés à un entretien préalable. Cette convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Au cours de l’entretien, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. Ce dernier peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Lorsqu’à la suite de cet entretien, l’employeur décide de licencier le salarié, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l’entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué. Outre l’indication des motifs économiques, elle doit mentionner la priorité de réembauche. Dernière étape : vous devrez informer l’autorité administrative des licenciements prononcés dans un délai de huit jours après l’envoi des lettres. 

 

  • Attention

Lorsque le licenciement collectif concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours, l’employeur doit établir et mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Selon l’article L. 1233-61 du code de travail, le PSE doit intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait pas être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. Depuis le 1er juillet 2013, le PSE est établi soit par un accord collectif majoritaire validé par la Direccte, soit par un document unilatéral élaboré par l’employeur et homologué par la Direccte.

 

 

 

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