Bien que la rupture conventionnelle soit un mode de rupture « amiable » entre l’employeur et son salarié, la Cour de cassation à l’occasion de son contrôle s’assure que les intérêts du salarié ne soient pas lésés.
Deux arrêts récents de la Cour de cassation en sont l’illustration.
I- L’absence de vice du consentement du salarié
Il ne peut y avoir de rupture conventionnelle valable sans liberté de consentement.
Le seul fait que l’employeur et le salarié soient en conflit au moment de signer le protocole de rupture ne suffit pas à conclure à un vice du consentement (Cass. soc. 26 juin 2013, n° 12-15208 ; cass. soc. 3 juillet 2013, n° 12-19268).
Toutefois, les juges viennent de considérer qu’en notifiant à une salariée, déjà fragile psychologiquement, deux avertissements injustifiés, l’employeur avait fait pression sur l’intéressée pour l’inciter à conclure une rupture conventionnelle et ainsi vicié son consentement.
Dans cette affaire, une salariée, responsable comptable et administrative d’une société de déménagement, avait conclu une rupture conventionnelle en décembre 2014, après avoir fait l’objet de deux avertissements au cours des 6 derniers mois.
La salariée était suivie pour un syndrome anxiodépressif. Selon la cour d’appel, les avertissements n’avaient donc pu qu’exacerber un terrain fragilisé.
En outre, les avertissements étaient injustifiés, les juges ayant notamment constaté que l’employeur se plaignait d’avoir dû acquitter des pénalités URSSAF, mais sans démontrer en quoi la salariée était à l’origine de ce contentieux avec l’organisme de recouvrement. La compétence de la responsable comptable et administrative n’avait d’ailleurs jamais été mise en cause.
La cour d’appel a donc valablement considéré, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, que ces deux avertissements visaient en réalité à faire pression sur la salariée pour l’inciter à conclure une rupture conventionnelle, qu’il y avait donc eu vice du consentement et que la rupture conventionnelle devait être annulée (Cass. soc. 8 juillet 2020, n° 19-15441).
Ainsi, l’employeur doit tenir compte de la situation particulière du salarié avant de conclure une rupture conventionnelle.
II- La nullité de la convention de rupture conventionnelle en l’absence de remise d’un exemplaire au salarié
La validité de la convention de rupture conventionnelle individuelle dépend de la remise au salarié de son exemplaire du CERFA qui formalise cette rupture.
En effet, la Convention de rupture doit être établie en 3 exemplaires : un pour le DIRECCTE, un pour l’employeur et un pour le salarié (article L 1237-14 du Code du travail).
Dans une affaire récente, un salarié avait négocié et conclu avec son employeur une rupture conventionnelle le 17 juillet 2015 avec une date de rupture du contrat de travail au 5 septembre 2015.
Le salarié avait contesté en justice la validité de cette rupture en soutenant que l’employeur ne lui avait pas remis d’exemplaire de la convention de rupture.
La Cour de cassation énonce que le fait que le salarié soit en possession de son exemplaire de la convention garantit son libre consentement à la rupture de son contrat de travail en lui permettant de se rétracter s’il le souhaite. Pour elle, faute d’une telle remise, la convention de rupture est nulle. En conséquence, la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation ajoute que c’est celui qui invoque que l’exemplaire a bien été remis qui doit apporter la preuve de cette remise.
En l’espèce, aucune mention du formulaire n’indiquait que cette remise avait eu lieu et l’employeur n’avait apporté aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence de cette remise. La Cour de cassation en déduit que le salarié n’était pas en possession de son exemplaire et que la rupture conventionnelle était nulle.
Il est donc indispensable pour l’employeur de se préconstituer une preuve de cette remise, sous peine de nullité de la rupture.
Cass. soc. 23 septembre 2020, n° 18-25770.
Le Cabinet ACCENS Avocats peut vous accompagner en cas de contestation d’une rupture conventionnelle.