Au JO du 25 août 2021 a été publiée la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
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Cette loi, qui a défrayé la chronique notamment parce qu’elle a pour objet de lutter contre le séparatisme, institue diverses mesures qui modifient le droit des Associations, Fondations et fonds de dotation.
1. Un enjeu de remise en débat de la mission de service public du secteur ?
L’article 1er de la loi définit les obligations des personnes publiques et des personnes privées chargées d’une mission de service public :
- garantir l’égalité de traitement des usagers ;
- veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité ;
- s’assurer que leur personnel s’abstient notamment de manifester ses opinions politiques ou religieuses, traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ;
- veille à ce que toute autre personne à laquelle elle confie, en tout ou partie, l’exécution du service public s’assure du respect de ces obligations.
Certes, il a été confirmé récemment par le Conseil d’Etat que les organismes gestionnaires d’établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) ne sont pas chargés de l’exécution d’une mission de service public. Toutefois, un argument pourrait justifier que cette conception soit remise en cause. En effet, les obligations :
- d’égalité de traitement, conséquence de l’interdiction de pratiquer la discrimination ;
- d’interdiction de tout prosélytisme politique ou religieux, corollaire de l’obligation au respect de la dignité, de l’intimité de la vie privée et de la liberté de conscience ;
s’imposent au personnel des ESSMS car ce dernier est appelé à assurer la protection et la promotion des droits des personnes accueillies ou accompagnées, dans le contexte de la mise en oeuvre d’actions d’intérêt général et d’utilité sociale (article L. 311-1 du Code de l’action sociale et des familles ou CASF).
Dès lors apparaît une analogie forte entre les devoirs impartis par la loi nouvelle aux acteurs du service public, d’une part, et les obligations qui s’imposent aux acteurs du secteur social et médico-social, d’autre part. Ce serait là, sans doute, un indice de plus à prendre en compte dans la perspective d’une nouvelle revendication juridique de la nature de service public de l’action sociale et médico-sociale.
2. L’obligation de conclure un contrat d’engagement républicain
La loi insère un article 10-1 dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Désormais, les Associations gestionnaires d’ESSMS qui :
- perçoivent une subvention publique ;
- ou accueillent en leur sein des volontaires du service civique ;
doivent conclure avec le financer public un contrat d’engagement républicain en vertu duquel ils doivent :
- respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
- ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
- s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public.
Les Associations ou Fondations concernées doivent en informer leurs membres par tout moyen. S’il s’avère qu’elles exercent leurs activité de manière incompatible avec les obligations souscrites, le financer public doit retirer la subvention par une décision motivée, au terme d’une procédure contradictoire spécifique. Le préfet du lieu d’implantation du siège social doit en être informé.
Par ailleurs, la reconnaissance d’utilité publique d’une Association ou Fondation est subordonnée au respect des obligations mentionnées dans le contrat d’engagement républicain.
3. Un risque de dissolution administrative en fonction du comportement des membres
Un article L. 212-1-1 est inséré dans le Code de la sécurité intérieure (C. Sécu. Int.) pour faire encourir la dissolution administrative aux Associations dont les membres se sont rendus coupables d’agissements visés par l’article L. 212-1 du même code, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient. Pourraient être concernés les organismes gestionnaires dont un membre :
- a provoqué ou contribué par ses agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ;
- ou a propagé des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.
4. L’institution d’un rapport d’activité dû par les fonds de dotation
Les fonds de dotation doivent désormais établir chaque année un rapport d’activité, transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice.
Cette obligation vaut aussi pour la transmission, dans le même délai, du rapport du commissaire aux comptes.
A défaut de transmission, l’autorité administrative peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de 2 mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds de dotation jusqu’à leur transmission effective. Les décisions de suspension et de levée de suspension doivent alors l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois.
Si l’Administration constate qu’en pratique, le fonds de dotation n’agit pas conformément à son objet, que des dysfonctionnements en affectent la réalisation ou qu’il n’exerce pas une mission d’intérêt général, alors elle peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds pendant une durée pouvant aller jusqu’à 6 mois, renouvelable 2 fois, et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution. Les décisions de suspension et de levée de suspension doivent faire l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois.
5. La création d’une nouvelle procédure de contrôle fiscal
L’administration fiscale peut désormais contrôler sur place la régularité de la délivrance des reçus, des attestations ou de tous autres documents par lesquels les organismes bénéficiaires de dons et versements indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt.
L’engagement du contrôle doit être précédé de l’envoi d’un avis de contrôle ; cet avis doit préciser les années soumises au contrôle et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que l’organisme a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.
Le contrôle ne peut s’étendre sur une durée supérieure à 6 mois à compter de la présentation de l’ensemble des documents et pièces, sous peine de nullité de la procédure.
Dans ce même délai, l’administration fiscale informe l’organisme bénéficiaire des dons et versements, par un document motivé de manière à lui permettre de formuler ses observations, des résultats du contrôle et, le cas échéant, de sa proposition d’appliquer une sanction. En cas de désaccord, l’organisme bénéficiaire des dons et versements peut présenter un recours hiérarchique dans un délai de 30 jours à compter de la notification.
A l’issue, aucun nouveau contrôle portant sur la même période ne peut être réalisé par les services fiscaux.
6. L’obligation de déclarer les avantages fiscaux alloués
Les organismes délivrant des reçus, des attestations ou tous autres documents par lesquels ils indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier d’une réduction d’impôt doivent désormais déclarer chaque année à l’administration fiscale :
- le montant global des dons et versements mentionnés sur ces documents et perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile ;
- le nombre de documents délivrés au cours de cette période ou de cet exercice.
Un modèle de déclaration est élaboré à cet effet par l’Administration.
7. La faculté, pour le préfet, d’exiger la publication des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes
L’article L. 612-4 du Code de commerce est complété pour permettre au préfet du département du siège de l’Association d’obtenir en référé que les dirigeants de celle-ci soient enjoints, sous astreinte, d’assurer la publicité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes. Le juge peut désigner un mandataire à l’effet d’effectuer ces formalités.