Le 13 août 2021 a été mise en ligne l’instruction n° DGCS/SD1B/2021/169 du 27 juillet 2021 relative à la poursuite du déploiement des Points conseil budget.
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1. Présentation
Cette instruction, qui abroge celle du 18 juin 2020, décrit les modalités de labellisation, de suivi et d’animation des « points conseil budget » (PCB) d’abord créés à titre expérimental par une instruction du 31 décembre 2015.
Pour mémoire, les PCB sont des structures labellisées par l’État, dont l’objectif principal est d’accompagner les personnes confrontées à des difficultés financières et de concourir à la prévention du surendettement et du malendettement. Dans l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) de l’exercice 2021, concomitant à la publication de cette instruction, les missions des PCB sont définies de manière détaillée :
- repérer les situations de fragilité budgétaire ;
- détecter le plus en amont possible des publics touchés par des difficultés pouvant avoir un impact financier ;
- mettre en place un accueil non stigmatisant qui favorise l’accessibilité au plus grand nombre, notamment par le biais d’un accueil dématérialisé et d’actions hors-les-murs ;
- offrir un conseil ou une orientation de manière personnalisée, gratuite et confidentielle, à toute personne qui le sollicite pour des questions relatives à la gestion de leur budget (y compris des personnes qui ne sont pas en situation de précarité) ;
- réaliser un diagnostic complet de la situation avec la personne et formuler une (des) préconisation(s) dans une approche :
- de maîtrise du budget ;
- et/ou d’orientation vers des partenaires du territoire, notamment dans une démarche d’ouverture de droits ou d’accès à des aides ;
- et/ou d’un accompagnement dans le cadre d’une procédure de surendettement ;
- et/ou d’intervention éventuelle auprès des créanciers ;
- accompagner les personnes en difficultés financières, et le cas échéant les personnes surendettées pendant et après la procédure de surendettement, pour les aider à stabiliser leur budget au cours des mois suivants ;
- informer et conseiller le public en matière de gestion budgétaire et financière, notamment en organisant des sessions collectives de sensibilisation et d’accompagnement (ces sessions peuvent être organisées en interne ou externalisées).
Tous les services proposés sous le label PCB doivent être prestés de manière gratuite, universelle et inconditionnelle (ce qui tendrait à faciliter leur reconnaissance comme mission de service public).
Après une procédure administrative de sélection sur AMI, le label est délivré par le préfet de région.
L’activité peut être réalisée par des professionnels et/ou des bénévoles.
Le financement des PCB est assuré par subvention publique sur le BOP 304 action 19, pour un montant forfaitaire de 15 000 euros par an. A cet effet, une convention pluriannuelle de 3 ans doit être signée avec le préfet de département.
L’activité est soumise à l’obligation de restitution d’un rapport annuel d’activité au préfet. Elle est par ailleurs susceptible d’être contrôlée ou inspectée par les services des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP) ou des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), au titre de leur compétence “cohésion sociale”.
l’instruction comprend 11 annexes concernant :
- les modalités de labellisation ;
- le suivi et le contrôle du label PCB ;
- l’animation du réseau PCB ;
- le cahier des charges du label PCB ;
- les plafonds régionaux de labellisation ;
- le modèle de courrier de notification de labellisation ;
- le modèle de courrier de notification du refus de labellisation ;
- le recensement des candidatures et des PCB labellisé ;
- le modèle de convention de financement entre le préfet de département et le PCB ;
- le modèle d’avenant financier ;
- la grille de contrôle indicative.
2. Commentaire
Il faut d’abord constater que le dispositif des PCB, qui s’inscrit dans le cadre de la politique publique de lutte contre l’exclusion, s’adresse à des catégories de publics homogènes en termes de vulnérabilité économique et sociale. A ces publics précis, il propose des prestations de bilan et d’accompagnement socio-économique (à l’exception des activités d’information générale qui visent le grand public). Au demeurant, les interventions réalisées relèvent de métiers du travail social précisément identifiables (assistant de service social, conseiller en économie sociale et familiale, technicien de l’intervention sociale et familiale).
Il faut ensuite relever que de telles activités correspondent exactement à celles qu’ont vocation à exercer les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) du champ de l’exclusion sociale au sens de l’article L. 312-1, I, 8° du Code de l’action sociale et des familles (CASF), structures “comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil, notamment dans les situations d’urgence, le soutien ou l’accompagnement social, l’adaptation à la vie active ou l’insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse”.
Enfin, il est utile de rappeler que la création d’ESSMS est soumise à l’obtention d’une autorisation administrative délivrée conformément aux articles L. 313-1 et suivants du CASF après, le plus souvent, une procédure d’appel à projet (AAP).
Dès lors, tout PCB labellisé sur AMI est susceptible d’être requalifié par le juge administratif – selon la méthode du faisceau d’indices développée par la jurisprudence du Conseil d’Etat à l’égard des exploitants d’activités sociales et médico-sociales exercées sans autorisation – en un véritable ESSMS, ce qui aurait pour conséquence de justifier la fermeture administrative de la structure non autorisée et de faire encourir à son responsable une condamnation pénale pouvant aller jusqu’à 3 mois de prison et 3 750 euros d’amende.
On est ici en présence d’un nouvel exemple de fraude de l’Administration centrale, au nom du dispositif – juridiquement inconsistant – des AMI : fraude au droit de la planification, fraude au droit des autorisations, fraude au droit de la tarification, fraude au droit du contrôle. Comme cela avait déjà été signalé à plusieurs reprises sur ce blog, il est pour le moins surprenant que la puissance publique, dont la mission régalienne inclut le contrôle du respect de la légalité, s’arroge un passe-droit qui génère au passage une insécurité juridique totale pour toutes les parties prenantes :
- pour les titulaires du label PCB :
- retrait du label par le Tribunal administratif, au terme d’un recours pour excès de pouvoir (REP) initié par un concurrent évincé ;
- condamnation pénale du chef du délit d’exploitation d’un ESSMS sans autorisation ;
- pour les fonctionnaires des services instructeurs et les préfets :
- condamnation pénale du chef de complicité du délit d’exploitation d’un ESSMS sans autorisation ;
- condamnation pénale du chef du délit d’abus de pouvoir prévu et réprimé par l’article 432-1 du Code pénal (5 ans de prison, 75 000 euros d’amende) ;
- sanction disciplinaire pour violation de l’obligation statutaire de désobéir aux ordres manifestement illégaux (sans excuse, puisqu’ils avaient la possibilité de se renseigner a priori auprès de leur référent déontologue). Une telle sanction serait d’autant plus justifiée que les fonctionnaires ont l’obligation de dénoncer au Parquet les faits délictueux qui viennent à leur connaissance.
En conclusion, cet exemple de labellisation des PCB illustre le fait que le recours à un AMI se justifie parfois par la volonté de créer de nouvelles formes d’activité sociales et médico-sociales au sens de l’article L. 311-1 du CASF – dont l’intérêt général et l’utilité sociale ne sont nullement contestables – qui devrait relever du périmètre des ESSMS autorisés. Dans ce cas de figure, l’AMI sert à maîtriser arbitrairement les implantations, choisir discrétionnairement les opérateurs, faire appel à des bénévoles au lieu de travailleurs sociaux, éluder toute forme d’engagement pérenne sur le plan financier (une simple subvention triennale, dont le renouvellement n’est pas acquis, se substitue à l’engagement de tarification sur 15 ans), échapper aux garanties dues aux organismes gestionnaires en matière de contrôle et d’inspection. Le lecteur tirera de ces constats les leçons qu’il voudra sur cette évolution des politiques sociales, marquée du sceau de la disparition du règlement au profit du contrat, qui crée à présent des services médico-sociaux à 15 000 euros par an …