TARIFICATION : l’Etat communique sur la mise en oeuvre de SERAFIN-PH d’ici 2024

Sep 22, 2021Droit des associations et des ESMS, Droit public, Tarification

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Dans un communiqué de presse du 20 septembre 2021 mis en ligne le 21 septembre 2021, Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, révèle la feuille de route 2021-2022 du Comité stratégique SERAFIN-PH. L’objectif de ce programme est de rendre opérationnel le nouveau dispositif de tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux ESSMS pour personnes en situation de handicap (ESSMS-PH) d’ici 2024.

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1. Présentation

Cette communication ministérielle aborde les points suivants :

  • lancement d’une expérimentation 

Une expérimentation d’envergure sera lancée dès septembre 2021, sur un panel de 1200 ESSMS-PH, soit près de 10% des établissements et services du périmètre de la réforme. Cette expérimentation inclut une vision à 360° en s’attachant à prendre en compte l’ensemble des prestations dont la personne bénéficie tout au long de son parcours de vie. L’expérimentation préfigure le déploiement généralisé de la réforme en 2024. L’expérimentation doit permettre d’identifier les conséquences de la réforme sur les parcours des personnes.

  • financement à la qualité

La qualité des accompagnements est considérée comme une exigence inconditionnelle qui doit trouver sa traduction concrète au sein du modèle tarifaire SERAFIN-PH en cours d’élaboration. La méthode de travail à adopter tient à l’association de personnes en situation de handicap, de familles et de professionnels de terrain. Ces travaux identifieront les indicateurs qualité à intégrer au modèle, en lien étroit avec la démarche d’évaluation de la qualité menée par la Haute autorité de santé (HAS).

  • droit personnalisé à prestations

La personnalisation des droits à prestations dépassant largement le périmètre de la réforme de la tarification des ESSMS-PH, cet aspect sera intégré aux réflexions en cours sur la création de la 5ème branche. A long terme, ce droit personnalisé à prestation pourra favoriser l’autonomie des personnes, en articulation avec l’ensemble des dispositifs existants.

  • diffusion des nomenclatures des besoins et des prestations

Les nomenclatures SERAFIN-PH, qui ont déjà été testées, doivent être un levier de la transformation de l’offre médico-sociale. Elles permettent en effet de dépasser la logique de place, de catégorie juridique et de mode d’accueil, en se focalisant sur les besoins et les prestations réalisées. Afin de favoriser l’appropriation par tous des nomenclatures, des kits pédagogiques seront prochainement disponibles sur le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ces kits permettront aux personnes en situation de handicap, aux professionnels des ESSMS-PH ainsi qu’aux Administrations de s’emparer des différents usages de ces nomenclatures.

2. Commentaire

Ce message ministériel ne suscite pas de surprise. Il s’articule en effet autour de deux axes de réforme qui ont déjà été identifiés.

Le premier axe concerne la transformation de la structure des tarifs à partir d’une nomenclature des besoins et d’une nomenclature des prestations. La grande ambivalence du dispositif avait déjà été signalée (post du 26 novembre 2020).

D’un côté, le recours aux nomenclatures – s’il est sincère – va créer un un langage commun à toutes les parties prenantes à la réponse aux besoins des personnes en situation de handicap. On peut en attendre un effet positif direct sur la qualité des compensations proposées.

D’un autre côté, l’utilisation des nomenclatures fait naître plusieurs craintes :

  • une immixtion – à des fins financières – dans le champ des bonnes pratiques professionnelles qui relève en principe de la Direction de la qualité de l’accompagnement social et médico-social (DiQASM) de la Haute autorité de santé (HAS) héritière de l’ANESM ;
  • la généralisation d’un équivalent au programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) du secteur sanitaire qui a abouti à la tarification à l’activité (T2A) dans le secteur sanitaire. Mais le projet -va ici plus loin puisque, par la nomenclature des besoins, il va « calibrer » l’exercice du coeur de métier, modifiant les conceptions mêmes de l’activité telles que les professionnels se les représentent ;
  • une standardisation des projets associatifs et des projets d’établissement ou de service, pouvant conférer à terme à la CNSA, aux ARS et aux CD le pouvoir de maîtriser l’évolution de ces projets ;
  • une confiscation du rôle des équipes pluridisciplinaires des ESSMS par la MDPH, les professionnels de terrain étant alors relégués à la fonction d’exécutants ;
  • la semi-automatisation – sinon l’automatisation – des processus de planification, de contractualisation et de coopération ;
  • un renforcement de la légitimité des CPOM pourtant caractérisés par leur manque intrinsèque de pertinence :
    • pas de valeur contractuelle réelle obligeant la puissance publique ;
    • incapacité du tarificateur à s’engager sur une évolution pluriannuelle des ressources compte tenu du principe d’annualité budgétaire ;
    • suppression pure et simple de l’accès au juge du tarif ;
    • gestion de la pénurie par la maîtrise totale de la répartition des enveloppes limitatives.

Le second axe de la communication ministérielle concerne la personnalisation du droit à prestation. Une telle personnalisation rendra possible la solvabilisation à la source des prestations d’accompagnement des personnes vulnérables, avec deux conséquences majeures :

  • d’une part, la marginalisation des interventions des ESSMS-PH, dans un mouvement massif de désinstitutionnalisation. Sera nécessairement mise en cause l’existence de certains de ces établissements et services, considérés comme anachroniques et/ou inutiles au regard d’une logique de réponse aux besoins privilégiant l’inclusion en milieu ordinaire ;
  • d’autre part, une possible libéralisation du champ des prestations sociales et médico-sociales, la fixation de prix de prestation permettant la relégation de la logique de répartition qui gouverne actuellement l’action sociale (dans sa double composante assurantielle et assistantielle) au profit d’une capitalisation via des prestations d’assurance individuelle. En effet, dès lors que de tels prix de prestation seront fixés, les assureurs seront en mesure de concevoir le modèle économique de nouveaux produits d’assurance complémentaire santé (en nature ou en argent). Ce serait alors l’aboutissement d’une logique néolibérale qui transformerait les usagers d’une mission d’intérêt général – l’action sociale et médico-sociale au sens de l’article L. 311-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) – en simples consommateurs de prestations dans un système dérégulé.

Face à de tels risques, des garanties des pouvoirs publics seraient souhaitables pour les organismes gestionnaires mais aussi, plus globalement, pour l’ensemble des citoyens car ils sont potentiellement bénéficiaires de l’action sociale et médico-social. Un engagement ponctuel de la puissance publique ne suffira pas ; il faudrait pour plus de sûreté dans le long terme un véritable instrument législatif d’encadrement. En espérant que la mise en œuvre de SERAPHIN-PH prenne en compte la réalité des besoins des personnes handicapées et, si nécessaire, que les moyens financiers correspondants soient dûment mobilisés.

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