
Au JO du 3 mars 2022 a été publiée la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.
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1. Présentation
Le nouveau régime juridique repose sur un équilibre entre prévention et sanction.
1.1. Prévention
Le Code de l’éducation (C. Éduc.) est ainsi complété par le nouvel article L. 111-6 en vertu duquel :
- aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement :
- résultant de propos ou comportements
- commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire
- et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage ;
- les établissements d’enseignement publics et privés doivent prendre les mesures appropriées pour lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire, notamment :
- prévenir l’apparition de situations de harcèlement ;
- favoriser leur détection par la communauté éducative – afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée ;
- orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés et Associations susceptibles de leur proposer un accompagnement ;
- une information sur les risques liés au harcèlement scolaire, notamment au cyberharcèlement, est délivrée chaque année aux élèves et parents d’élèves.
Ces énoncés sont complétés par le nouvel article L. 543-1 C. Éduc. qui complète la définition du contenu obligatoire du projet d’école ou d’établissement. Désormais, ce document de référence doit comprendre :
- des lignes directrices destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement ;
- des procédures pour la mise en oeuvre de ces lignes directrices.
L’élaboration de ces lignes directrices et procédures incombe aux représentants de la communauté éducative avec la participation des médecins, infirmiers, assistants de service social et psychologues de l’Education nationale intervenant au sein de l’établissement.
1.2. Répression
Un nouvel article 222-33-2-3 est inséré dans le Coe pénal (C. Pén.) pour créer le délit de harcèlement scolaire.
L’incrimination du harcèlement scolaire repose sur la réunion des trois circonstances suivantes :
- des faits de harcèlement moral au sens du délit pénal ont été commis :
- tenir des propos ou adopter des comportements,
- de manière répétée,
- qui pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail,
- et qui susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel ;
- la victime de l’infraction est un élève ;
- l’auteur de l’infraction est une personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement.
Le délit incrimine également la situation dans laquelle ce harcèlement se poursuit alors que l’auteur ou la victime ne fait plus partie de l’établissement.
La pénalisation du délit est définie en fonction de l’importance de l’incapacité totale de travail (ITT) subie par la victime :
- pas d’incapacité de travail ou ITT inférieure ou égale à 8 jours : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € ;
- ITT supérieure à 8 jours : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende;
- la victime s’est suicidée ou a tenté de se suicider : 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
Le Code de procédure pénale est modifié (nouvel article 60-1-2) pour rendre possible la réalisation d’investigations numériques.
Le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) est également complété pour prévoir que :
- le stage de formation civique (article L. 112-2),
- le stage de citoyenneté (article 131-5-1 du C. Pén.),
- le stage de formation civique prescrit par le procureur de la République (article L. 422-1),
- le stage de formation civique ordonné sur composition pénale (article L. 422-3),
peuvent comprendre un volet sur le harcèlement scolaire.
2. Commentaire
La prise en compte des faits de harcèlement scolaire est évidemment bienvenue. L’effet majeur du dispositif sera sans doute de sensibiliser l’ensemble des membres de la communauté éducative à cette problématique, même si cette dernière est de longue date une priorité pour l’Education nationale, aussi bien dans sa communication institutionnelle qu’en interne (circulaire de 2013, plan de lutte contre les violences scolaires de 2019).
Autre apport majeur : les situations de harcèlement scolaire numérique ont bien été prises en compte, à tel point que les directeurs d’école élémentaire et les chefs d’établissement doivent à présent organiser annuellement une information des parents d’élèves. L’existence de ce besoin réel avait été anticipée par un certain nombre d’Associations (ex. : Les Parrains du Numérique) ; il pourrait être opportun qu’en l’absence de ressources internes à l’Education nationale, les responsables d’établissement recourent systématiquement à un partenariat avec ces acteurs associatifs de l’éducation populaire qui, par l’ancienneté de leur implication et leur éthique, ont acquis à la fois compétence et légitimité.
Ceci étant, le risque existe que la notion – à l’instar de ce qui a pu se constater dans l’ensemble de la société – rencontre un succès excessif au regard de ce qu’est véritablement une démarche de harcèlement. En effet, les relations entre enfants ou adolescents sont parfois émaillées de phases de tension voire de conflit qui, si elles constituent un évènement observable, ne révèlent pour autant pas nécessairement un comportement persécuteur.
Par ailleurs, certaines situations pourraient, s’agissant de leur traitement pénal, se situer aux confins du harcèlement et de la maltraitance lorsque l’auteur est un adulte. Il faut sur se point garder présents à l’esprit les critères juridiques de la maltraitance, qu’ils relèvent de sa récente définition par l’article L. 119-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) ou de celle par l’article 434–3 du C. Pén. relatif à l’obligation de signalement au Parquet.
Pour ce qui est enfin des liens entre situation de handicap et harcèlement scolaire :
- la frontière pourrait être ténue entre harcèlement scolaire et discrimination – au sens pénal du terme – lorsque la victime est un enfant ou un adolescent en situation de handicap ;
- une difficulté pourrait naître du fait que certains élèves en situation de handicap, lorsqu’ils rencontrent des passages à l’acte violents répétés, pourraient être considérés à tort comme auteurs de faits de harcèlement scolaire.