La Cour de cassation a rendu dernièrement plusieurs arrêts en lien avec la question de la preuve dans un procès prud’homal.
Plus récemment, la Cour de cassation vient de se prononcer sur les conditions de recevabilité de moyens de preuve déloyaux au cours d’un procès prud’homal.
Dans cette affaire, une salariée a contesté son licenciement pour faute grave.
Pour prouver la faute grave de la salariée, l’employeur avait soumis au juge un enregistrement sonore clandestin d’un entretien au cours duquel le salarié avait expressément refusé de fournir le suivi de son activité.
La Cour d’appel avait :
- Déclaré cette preuve irrecevable ;
- Jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Dans son nouvel arrêt, la Cour de cassation considère désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.
Le juge doit effectuer un contrôle de proportionnalité entre le droit à la preuve et les droits fondamentaux de la partie adverse (par exemple : le droit à la vie privée).
Ainsi, le juge doit apprécier si la preuve versée porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cette solution, qui s’inspire de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, constitue un revirement de jurisprudence.
Avant ce nouvel arrêt, la Cour de cassation jugeait irrecevable la production d’une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème (Ass. plén. 7 janvier 2011, n°09-14.316 et 09-14.667).
Dans cette nouvelle affaire, la décision de la Cour d’appel, qui avait écarté les enregistrements clandestins au motif qu’ils avaient été obtenus de manière déloyale, est cassée.
L’affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel, qui devra vérifier :
- D’une part, que les enregistrements étaient indispensables pour prouver la faute grave de la salariée ;
- D’autre part, que l’utilisation de ces enregistrements réalisés à l’insu de la salariée ne portent pas une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux (le droit à la vie privée notamment).
Assemblée plénière – Pourvois n°20-20.648