La validité du barème d’indemnisation «Macron» du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse

Mai 19, 2022Droit social

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Institué par une ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et codifié à l’article L. 1235-3 du Code du travail, le barème « Macron » détermine l’indemnité que doit verser l’employeur à un salarié licencié abusivement, dont le montant est compris entre un plancher et un plafond d’indemnisation, en fonction de la taille de l’entreprise, de l’ancienneté et du montant du salaire mensuel du salarié.

Le Conseil d’État, dans une décision en date du 7 décembre 2017 (CE 7-12-2017, n° 415243), a rapidement considéré que le barème « Macron » ne contredisait pas la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ni la Charte sociale européenne.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances « Macron », a estimé le barème conforme à la Constitution (CC, décision n° 2018-761 du 21 mars 2018).

Enfin, dans deux avis du 17 juillet 2019 (Cass. avis, 17 juill. 2019, n°15012 ; Cass. avis, 17 juillet 2019, n°15013), la Cour de cassation a validé le barème d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du Code du travail. Néanmoins, les avis de la Cour de cassation ne s’imposent pas aux juridictions.

C’est dans ce contexte que, par deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 11 mai 2022, statuant en formation plénière (Cass., soc, 11 mai 2022, n°21-14.490 et n°21-15.247), le juge de cassation a confirmé sa position prise dans ses deux avis du 17 juillet 2019 précités et s’est prononcé en faveur de la validité du barème « Macron », en se fondant sur les motifs suivants :

1- Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail :

L’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) précise qu’en cas de « licenciement injustifié », le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié.

Le terme « adéquate » signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part, être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié et, d’autre part, doit raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

A cet égard, la Cour relève que le barème n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail : violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, discrimination, etc…

Elle relève également que lorsqu’un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le Code du travail impose au juge d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes d’assurance-chômage jusqu’à 6 mois d’indemnités.

Il en résulte que le barème ainsi institué permet raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

En outre, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, du remboursement des indemnités de chômage versées au salarié injustement licencié.

In fine, au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de « licenciement injustifié », la Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

2- Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale :

Selon la Cour de cassation, en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un contrôle de conventionnalité in concreto reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas, au motif que son application ne permettrait pas de tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable et d’attribuer au salarié l’indemnisation « adéquate » à laquelle fait référence l’article 10 de la Convention de l’OIT.

Or, un tel contrôle :

  • Créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges ;
  • Porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Dans un tel cadre, la Cour relève que la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto.

3- La loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct :

L’article 24 de la Charte sociale européenne prévoit que les États signataires s’engagent à reconnaître aux salariés qui ont été licenciés sans motif valable le droit à une indemnité « adéquate ».

Cependant, les dispositions de l’article 24 de la Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne, dans un litige entre particuliers.

Il en résulte que les salariés et les employeurs ne peuvent se prévaloir de l’article 24 de la Charte sociale européenne devant le juge en charge de trancher leur litige.  


En conclusion, du fait de ces arrêts, le Conseil de prud’hommes sera tenu de faire application du barème indemnitaire mentionné à l’article L. 1235-3 du Code du travail.


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