INCLUSION SCOLAIRE : les RBPP de la HAS pour les ESSMS

Oct 5, 2021Droit des associations et des ESMS

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La Haute autorité de santé (HAS) a publié, en septembre 2021, de nouvelles recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) à destination des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) pour enfants et adolescents en situation de handicap et/ou accompagnés au titre de la protection de l’enfance : “Accompagner la scolarité et contribuer à l’inclusion scolaire ».

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1. Présentation

Ces RBPP de 63 pages hors annexes, qui ont pour sous-titre “Socle commun d’actions pour les professionnels exerçant dans les ESSMS de la protection de l’enfance et du handicap”, ont une double vocation : doter les professionnels des ESSMS d’outils pour accompagner les parcours scolaires des enfants en situation de handicap et/ou en protection de l’enfance mais aussi contribuer à améliorer les parcours scolaires de ces enfants. A ce titre, elles s’adressent à plusieurs publics :

  • celui des professionnels des ESSMS concernés et des membres des équipes mobiles d’appui à la scolarisation (EMAS) ;
  • celui des professionnels de la communauté éducative au sein des établissements scolaires de référence : enseignants, directeurs et chefs d’établissement, agent territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH), psychologues scolaires, médecins scolaires, coordinateurs de pôle inclusif d’accompagnement localisé (PIAL), enseignants-référents en Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), rééducateurs et autres professionnels de santé libéraux, etc.
  • celui des responsables académiques de l’Education nationale (EN) en charge de la question de la scolarisation inclusive (recteurs, DASEN, IEN-ASH).

En introduction, la HAS rappelle le cadre juridique de l’obligation scolaire et donne sa définition de ce que sont les besoins de tout élève :

  • besoin d’identité,
  • besoin d’estime et de valorisation de soi,
  • besoin d’explorations et d’expériences du monde,
  • besoin d’un cadre de règles et de limites.

Le constat est ensuite dressé de plusieurs difficultés :

  • un risque de déscolarisation accru ;
  • un décalage entre les attendus de l’école – en matière de résultats scolaires notamment – et les besoins et capacités des enfants. Ce décalage est attribué à des capacités insuffisantes de l’enfant – qui peut le vivre comme un échec – au lieu d’être analysé comme une inadaptation du système scolaire par rapport à ses besoins. Ce décalage est souvent traité “par une médicalisation ou psychologisation des réponses à apporter, qui sont alors externalisées vers les secteurs sanitaire, social ou médico-social” , qui prive l’élève d’une scolarité normale ;
  • les parcours scolaires de ces enfants et leur potentiel de réussite font souvent l’objet de représentations négatives. Dans le champ du handicap, 82 % des enfants polyhandicapés ne sont pas scolarisés alors que 88 % d’entre eux sont accueillis et accompagnés en établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés (EEAP) ;
  • un décalage très significatif entre les résultats scolaires des enfants et les résultats attendus en fin de cycles d’apprentissage de l’Éducation nationale. Ce décalage, perçu comme un retard scolaire, est lu comme une défaillance de ces enfants ;
  • la complexité du processus de prise en charge dans le champ du handicap ;
  • la surreprésentation de la précarité parmi les familles accompagnées en protection de l’enfance ;
  • le manque d’outils pour d’évaluation des besoins et de soutien des parcours scolaires au sein des ESSMS de la protection de l’enfance ;
  • le manque de formation et de moyens pour les professionnels des établissements scolaires ;
  • la méconnaissance réciproque et le manque de coopération entre les différents acteurs de la communauté éducative ;
  • ces difficultés se cumulent dans la situation des enfants en situation de handicap qui relèvent également de la protection de l’enfance (20 % des enfants pris en charge par la protection de l’enfance).

Au vu de ce diagnostic, les RBPP ont l’ambition de lutter contre l’échec scolaire des enfants concernés, par la fournitures de repères aux professionnels. Ces repères ont un caractère général (d’où le sous-titre de “socle”) car les situations individuelles sont très diverses. Sur ce point, la HAS renvoie autant que de besoin à d’autres RBPP plus spécifiques :

La HAS adopte un modèle “écologique” pour couvrir le champ des RBPP via plusieurs systèmes :

  • ontosystème : l’enfant et ses caractéristiques individuelles ;
  • microsystèmes : activités et interactions de l’enfant avec son entourage direct (parents, amis, école) ;
  • mésosystème : interactions entre les différentes composantes du microsystème de l’enfant (interactions entre parents et enseignants, etc.) ;
  • exosystème : famille élargie, réseau amical et de voisinage, services immédiatement accessibles dans l’environnement ;
  • macrosystème : influençant l’ensemble des autres systèmes, il regroupe le contexte politique, économique, social, culturel du pays dans lequel vit l’enfant ;
  • chronosystème : évènements qui marquent la vie de l’enfant, aussi bien dans l’intimité familiale qu’à l’échelle de son pays.
Schéma : description des enjeux de la scolarisation selon le modèle “écologique” retenu par la HAS

Le recours au modèle “écologique” structure les RBPP :

  • chapitre 1er : aider l’enfant à être acteur de sa scolarité
    • encourager la participation de l’enfant
    • recueillir et prendre en compte les besoins et attentes de l’enfant
    • contribuer aux adaptations éventuelles de son parcours scolaire
    • inclure le parcours scolaire de l’enfant comme un axe essentiel de son projet personnalisé
    • accompagner l’enfant pour développer des relations amicales avec les autres élèves
    • préparer et sécuriser les transitions scolaires
  • chapitre 2 : encourager l’implication des parents dans la scolarité de l’enfant
    • associer les parents comme principaux acteurs de la scolarité de l’enfant, en lien avec son projet personnalisé
    • évaluer avec les parents leurs ressources, besoins et attentes pour accompagner la scolarité de leur enfant
    • adapter l’accompagnement des parents à chaque situation
    • définir les modalités d’accompagnement des enfants dont l’implication des parents semble impossible ou contraire à l’intérêt de l’enfant
    • mettre en place au sein de l’ESSMS le cadre de l’implication des parents dans la scolarité
  • chapitre 3 : identifier et développer les ressources de l’ESSMS pour accompagner collectivement les parcours scolaires
    • porter l’accompagnement des parcours scolaires au niveau institutionnel et collectif
    • réaliser un diagnostic des ressources
    • organiser et développer les compétences des professionnels
    • aménager les espaces et organiser le quotidien au sein de l’ESSMS
  • chapitre 4 : s’inscrire dans la communauté éducative
    • identifier et connaître la communauté éducative
    • mettre en place le partenariat avec la communauté éducative
    • coopérer, recueillir et partager les informations
  • chapitre 5 : intervenir dans l’école, les missions d’appui ressource
    • proposer l’expertise sociale et médico-sociale à la communauté scolaire
    • mener des actions en faveur d’un climat relationnel positif entre tous les élèves
    • contribuer à l’aménagement des espaces au sein de l’école

Les RBPP comprennent enfin 5 annexes :

  • repères lexicaux : acteurs et concepts
  • repères professionnels : les dimensions de la pratique professionnelle
  • principes éthiques pour accompagner la scolarité
  • l’approche positive
  • outil : la charte du partenariat

2. Commentaire

A l’heure où se développent les dispositifs consacrés à l’inclusion scolaire, la publication de ces RBPP paraît particulièrement bienvenue. En effet, elles seront très utiles aux professionnels des ESSMS PH pour enfants (ex. : IME, EEAP, ITEP, SESSAD) et dispositifs associés (ex. : EMAS) et de la protection de l’enfance (ex. : foyers de l’enfance, MECS) : l’évaluation des possibilités de scolarisation au regard des restrictions d’habileté et des potentialités des enfants, la coordination avec le monde scolaire sont autant d’atouts pour proposer des trajectoires de scolarisation qui exposent le moins possible les enfants à l’échec. En particulier, le prisme de l’approche positive, associé aux principes éthiques proposés, pourra donner des repères clairs aux professionnels, en complément des encouragements à acquérir une meilleure connaissance du monde scolaire.

Toutefois, ces RBPP ambitieuses -à juste titre – pourraient voir leurs effets limités du fait des difficultés suivantes, lesquelles auraient peut-être pu être appréhendées plus précisément si des directeurs d’école élémentaire, des principaux, des proviseurs et des représentants des collectivités territoriales en charge des infrastructures scolaires avaient été inclus dans le groupe de travail qui en est à l’origine.

La principale d’entre elles est que le système scolaire actuel est conçu, pourvu et animé pour gérer des “flux” et non une pluralité de situations individuelles particulières. De ce fait (et l’inventaire qui suit n’est pas exhaustif) :

  • les moyens nécessaires font structurellement défaut du côté de l’EN. A titre d’exemple, un professeur des écoles dispose en tout et pour tout de 108 heures par an pour les conseils d’école, les réunions avec les parents, les équipes éducatives ; les directeurs d’école – qui ont l’obligation statutaire de présider toutes les équipes éducatives – sont parfois submergés, en fonction du nombre d’enfants à besoins particuliers présents dans l’école et du temps de décharge de classe dont ils disposent. Par ailleurs, les AESH sont peu – voire pas – formés pour exercer correctement leur activité au profit des élèves handicapés. Enfin, le personnel de l’EN n’est pas formé aux RBPP de l’ANESM/HAS ;
  • pour ce qui concerne ensuite les collectivités territoriales en charge des infrastructures scolaires, les locaux ne sont pas adaptés, notamment du fait de l’absence de locaux autres que les classes (ex. : bureaux pour les interventions des professionnels extérieurs, espaces de calme-retrait) ;
  • il n’existe pas de dispositif social efficient pour apporter aux parents en difficulté le soutien nécessaire à la constitution des dossiers CDAPH ;
  • la difficulté peut aussi, parfois, venir des CDAPH, par exemple lorsque des notifications d’AESH mutualisé(e) ne suffisent pas à répondre aux besoins concrets des élèves en situation de handicap ou encore lorsque le temps d’intervention d’AESH notifié est inférieur, en durée hebdomadaire, au temps scolaire.

De ce point de vue, on ne pourra pas reprocher à ces RBPP fort utiles d’avoir été trop ambitieuses ; c’est en réalité le système scolaire dans son ensemble qui n’est pas encore à la hauteur de l’ambition de l’école inclusive ; pourtant, ce sujet avait été identifié il y a maintenant 22 ans, avec le premier “plan Handiscol” (1999). Il reste donc un chemin important à parcourir, comme l’a d’ailleurs relevé très récemment le Comité pour les droits des personnes handicapes de l’ONU dans ses observations du 14 septembre 2021 (§15).

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